vendredi 4 novembre 2011

"Hip hop, et la lumière fut." Les petits secrets du light painting.





Des photos renversantes. Les clichés que Marcello Marigni a fait des breakdancers Pelezinho, Kokada et Lil-G  ont fait le tour du monde. Depuis quinze jours, tous ceux qui s'intéressent à la photo de studio et à la danse ne parlent que de sa série consacrée au hip-hop.





Le photographe brésilien, très connu pour ses photos de sports extrêmes, a réussi à restituer à la perfection les mouvements acrobatiques des trois danseurs. Bien qu'ils soient figés en pleine évolution, en rotation sur la tête ou en appui sur une main, on arrive très bien à deviner la succession de leurs acrobaties. Un enchainement enchanté. Un tour de force du à une technique appelée "light painting". Un procédé qui consiste à mettre son appareil sur pied paramétré avec un temps d'exposition long, entre une et dix secondes, parfois plus, et à faire bouger un point lumineux ou une source de lumière en face du boîtier. Si possible dans un environnement sombre pour que les trainées ressortent mieux.





Au départ les B-Boys sponsorisés par Red Bull, ont dansé de manière traditionnelle face à l'objectif. A une petite différence près, mais pas la moindre, leurs chaussures étaient équipées des LED rouges. Des lumières intenses qui laissent à l'image des filets retraçant les mouvements de leurs jambes. Des filets qui font penser à des coups de pinceaux. D'où le nom de peinture de lumière. Making off de ces photos loin d'être laides.



Selon la largeur de la source de lumière, le rendu peut varier. Et le photographe comme un peintre peut opter soit pour une une simple ligne colorée soit une large bande. Et si cette série a eu un tel retentissement, c'est que par la grâce de l'appareil, la chorégraphie s'est transformée en calligraphie.





La technique n'est pas neuve. C'est le photographe Man Ray qui l' a le premier utilisé en 1937. Avec deux ouvres qui ont fait date :  "A man with a moving light" et "Space writing".




La technique était là mais personne n' avait donné suite au procédé. Il a fallu attendre 1949 pour la voir se développer. C'est le photographe américain d'origine albanaise, Gjon Mili, qui l'a popularisé avec une série très remarquée sur Pablo Picasso. Des images étonnantes où l'on devine l'icône espagnole traçant les contours de vases ou de minotaures. Sur l'une d'entre elle, le créateur du cubisme réalise  un auto portrait très stylé, une silhouette lumineuse qui se superpose sur le corps du peintre.  










D'abord artistique, la technique est sortie peu à peu du carcan de l'art avec une photo du peintre  Georges Mathieu présentée pour la première fois à la une d' un journal japonais. Une couverture très remarquée à l'époque.



Tout comme la photographie de nuit, la pratique du "light painting" a pris une toute autre ampleur  avec l'avènement du numérique. Là où les pionniers se contentaient de quelques lignes simples, peu à peu  leurs successeurs se sont mis à écrire des noms complets. Là où les premiers aventuriers travaillaient le  noir et blancs, la couleur s'est imposée : la palette de ces nouveaux peintres s' agrandissant au fur et à mesure de leurs expérimentations. Des progrès largement facilités par  les écrans LCD de plus en plus répandus et l'apparition instantanée des clichés qui permettent de faire de multiples essais et de rectifier les éclairages et les gestes.

Une des réalisations les plus réussies de ces dernières années est sans aucun doute l'affiche du 63e Festival de Cannes avec  une photographie très lumineuse de Juliette Binoche imaginée par Brigitte Lacombe. Une image simple et élégante.



Dans la pratique, le "light painting" est en général pratiqué :
soit en étant devant l'appareil et en déplaçant une ou plusieurs sources lumineuses dans une scène pendant que l'appareil photo est sur pose longue. Le résultat ressemble alors au tracé d'un crayon clair sur un fond sombre,





soit en étant derrière l'appareil et en éclairant durant le temps de pose des parties spécifiques d'un objet ou d'une scène pendant que l'appareil photo est réglé sur pose longue. Cette technique est utilisée notamment en exploration urbaine dans le cas de la photographie de vastes lieux obscurs où le flash ne convient pas.




Le point et la profondeur de champ ne sont pas aisés à modifier pendant que la photo est en cours d'exposition. On cherche à avoir une ouverture de diaphragme la plus  petite possible, en gardant quand même un peu de lumière, histoire de conserver une trace du décor malgré son environnement par définition sombre.



Les lampes de poche associées à des filtres colorés permettent de varier les teintes de lumières.  Leds,  néons, flashs portatifs, frontales ou stylos lumineux, tisons enflammés, écrans de téléphones portables,  peuvent servir à créer des formes insolites, dans une gamme de couleurs variées. Qu'importe l'objet pour peu qu'il soit lumineux. Aujourd'hui, il existe même des sources lumineuses créées spécifiquement pour cet usage, comme le « Hosemaster », qui utilise une fibre optique pour créer un point luminx ultra précis. D'autres sources telles que bougies, allumettes, briquets  sont aussi couramment employés. Mais là, à vos risques et périls.  Attention, aux doigts de l'homme qui les touche.


   

Petit conseil, un trépied est généralement nécessaire pour garder le boîtier immobile durant le long temps de pose, mais l'appareil peut être posé sur tout support stable et donner le même résultat. Un déclencheur à câble, évitant les vibrations causée par le doigt sur le déclencheur, un déclencheur à minuteur ou une télécommande infrarouge à distance peuvent être utilisés pour parfaire les photos. Un léger tremblement qui pourrait passer inaperçu sur une photo risque en effet d'être rédhibitoire lorsqu'on se lance dans une grande série comme celle imaginée par l'opérateur "Talk talk" il y a peu.  

 

Une mise au point manuelle est souvent employée car la mise au point automatique est difficile dans un environnement sombre. De plus, le photographe en light painting utilisera un film à faible sensibilité , ou un réglage à faible niveau ISO pour éviter le bruit (100 ISO). Évaluer l'exposition correcte de l'image requiert de la pratique et varie selon l'intensité des lumières utilisées et l'intensité de l'environnement lumineux. Pas toujours facile à maîtriser mais avec un peu d'exercice le résultat peu être très poétique. Le rendu de "Talk talk" dont on a vu le making-of est de ce point de vue magique. 





Vous l'avez compris le "light painting", c'est du lourd. Une technique de plus en plus élaborée. D'abord utilisée en photo, le procédé gagne progressivement le monde de la vidéo. Et à l'image de l'engouement pour la série de nos B Boys, sponsorisée par une boisson énergisante, il rencontre un succès grandissant sur la toile. Tant chez les amateurs du dimanche que les pros qui y trouvent un nouvel espace de création. Un boom qui se comprend facilement puisque même si il faut être un brin curieux, il n'est pas besoin d'être une lumière pour s'y mettre. 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire