vendredi 28 juin 2013

Le Krakatau en Indonésie : un volcan haut en couleurs. Une aventure hors du commun.



Ah ! les volcans ! J’avais entendu parler de leur force, de leur beauté, de leur chaleur hallucinante. Mais je n’en avais jamais vraiment vu en activité. Ce n’était pas faute d’avoir essayé. J’avais été en Equateur pour voir le Cotopaxi qu’on m’ avait présenté comme un des plus beaux volcans du monde et j’étais revenu bredouille. Après des jours de voyage, des heures et des heures d’ascension j’avais manqué malgré mon piolet et mes crampons de me faire emporter par une tempête de neige et il s’en était fallu de peu que je ne me transforme en statue de glace… Moins 30° Celsius, un vent à décorner les vaches, jour blanc. La seule chose que j’avais vu du glacier sommital était une toute petite borne jaune sur laquelle était inscrit un nombre : 5897 mètres. Bref, j’avais découvert cette superbe caldeira, ce cône parfait recouvert de neige sur le revers de cartes postales que j’avais envoyé d’Amérique centrale. Une déception . 


Quelques années plus tard, à presque 40 ans, j’avais été retenté par le démon. Pour le coup, j’avais choisi la facilité : un volcan tout le temps en activité, dans un pays chaud, déversant du matin au soir de la lave rouge incandescente. L’ Arenal au Costa Rica. Impossible de le louper. Et pourtant j’avais réussi le tour de force de passer à côté de l’immanquable ! Deux jours spécialement sur place et à l'arrivée, rien, pas une lueur. J’avais entendu des explosions, des craquements, des sifflements. Mais le seul spectacle que j’avais pu percevoir était une purée de poids, une superbe couronne de nuage. Dommage, il est pas mal, lui aussi, sur les cartes postales. Rouge, étincelant, en un mot : séduisant. 




Je me tenais pour maudit. J’avais fini par me faire une raison. Alors en partant en Indonésie, zone de forte activité sismique je ne m'attendais pas grand chose. Je partais pour contempler les célèbres rizières en terrasses de Bali, m’intéresser à la protection des derniers orang-outangs de Sumatra et m’enthousiasmer devant les temples hindouistes de Java. Mais pour les volcans, on verrait bien. Je partais certes dans les traces de Guy de Saint-Cyr, un volcanologue confirmé mais j’avais appris avec  le temps à ne pas trop m’enflammer. 







Alors sur le bateau qui me menait de Carita au Krakatau, je laissais les autres parler. C’était un des volcans les plus actifs, un des plus meurtriers aussi : 40 000 personnes décédées d’un coup. Une légende : en 1883, lorsqu’il avait explosé, le ciel s’était obscurci à 200 km à la ronde, la détonation avait été entendue jusqu’en Australie, à 5000 km du cratère et il avait déclenché un raz de marée énorme avec des vagues de 40 mètres de haut. Impressionnant, mais c’était le passé. On allait bien voir. Au pire, ce serait une ballade sur un îlot perdu avec des pécheurs souriants. Avec sur le chemin, des varans, de serpents des mers voire des serpents volants. 





Au bout de trois heures de navigation en pleine mer, comme la plupart des passagers, je somnole sur le pont. Tout à coup, des cris lancés depuis une embarcation me sortent de ma torpeur. Des pêcheurs nous hèlent chaleureusement. Ils s’activent à remonter des filets bien remplis. Curieux, me dis-je. Nous sommes en pleine mer. Pourquoi donc venir si loin des côtes pour pêcher ? Un oiseau blanc passe et je comprends soudain. Au loin, des ombres apparaissent. Plus hautes que ce que j’imaginais, des parois abruptes sortent de l’eau. Une première île, souvenir de la première très grosse explosion du Krakatau. Puis deux autres, moins spectaculaires et un peu cachées, datant d’éruptions plus récentes se dessinent sur l’horizon. 


Notre pilote nous dit que quelques jours plus tôt, une énorme explosion avait salué son passage à proximité, refroidissant les ardeurs des visiteurs. Par précaution, on mouille à quelques encablures de la côte du cratère principal, histoire de manger quelques poissons frais cuisinés par l’équipage et apprécier la vitalité du volcan. Fatigué des odeurs de fioul et de piments, je vais tranquillement déguster mon plat à la poupe du bateau. Au calme. J’écoute le clapotis des vagues, et je profite de la chaleur du soleil. Tout à coup, un grand bruit me fait sursauter. Dans un mouvement réflexe, je manque de renverser mon assiette. Tout le monde se précipite à l’avant du pont. Du cône sort une grande colonne de fumée. Noire puis gris pâle. Un panache qui monte bien à 600 mètres de haut. Spectaculaire. 

La où le ciel était bleu, le paysage s’assombrit. Cela dure 30 secondes environ. Mes compagnons de voyage sont debouts. Ils prennent des photos pour immortaliser cette première rencontre. Le volcan est là. Bien là. Actif. Les commentaires enthousiastes fusent. A peine le temps de s’exclamer, que de toutes petites poussières noires se mettent à tomber du ciel. Une fine pluie de lave. Les bancs et les bâches blanches du bateau sont rapidement recouverts d’une pellicule anthracite d’un demi centimètre. Nous nous regardons hilares. Le vent a rabattu le nuage vers nous et nos visages sont badigeonnés de cendres. 


La décision est prise de contourner l’île et de débarquer dans un endroit sûr, à l’abri des projections. Nous sautons du bateau. La plage est noire : il fallait s’y attendre.



L’endroit ressemble à l’île de Robinson. Des arbres verdoyants, une petite cabane construite sur le sable et des crabes aux couleurs insolites. A une exception, une grande pancarte barrée d’un avertissement. Danger. Interdiction de séjourner sans autorisation. Pas de quoi cependant nous arrêter. Nous nous coiffons d’un casque, prenons nos appareils. Et c’est parti. Direction le sommet. 




La forêt est épaisse. Délicat de se frayer un chemin. Il faut dire que l’endroit n’est pas très fréquenté. Nous nous élevons au milieu des fougères et des arbustes. Peu à peu, la végétation se fait plus rare. Le paysage devient lunaire. Le sol est sablonneux. La pente se fait plus raide approchant parfois les 35 degrés. Nous nous enfonçons, nos pas se font plus lents. Le souffle plus court. Nous montons en silence jusqu’à un petit replat d’où nous pouvons apercevoir distinctement le cône. Guy, qui connaît bien l’endroit pour le fréquenter depuis près de 30 ans, nous montre de grandes combes creusées par les dernières coulées de lave qui ont dévalé jusqu’à la mer. Nous le suivons sur le contrefort du cratère jusqu’à l’observatoire censé envoyer les relevés de secousses telluriques et donner l’alerte. Cela se passe de commentaires. Il ne reste plus rien. Les planches gisent éparpillées, écrasées par d’énormes blocs de pierre. Les panneaux solaires sont éventrés, les machines complètement détruites. 






Nous asseyons sur une crête quelques mètres en contrebas. Un promontoire bien placé d’où l’on peut observer les soubresauts de l’Anak Krakatau, le fils du Krakatau, comme il est surnommé par les Indonésiens. Pas besoin d’attendre trop, le volcan se réveille par intermittence. Toutes les heures environ, un craquement se fait entendre, des centaines de roches en fusion sortent d’un coup et d’épaisses fumées sombres s’élèvent. Nous sommes à peine installés qu’une première fumée sombre monte, suivi d’une forte explosion qui projette en l’air des centaines de blocs de taille conséquente. Des mini-bombes qui retombent aussi sec dans un bruit sourd, puis qui rebondissent sur les parois du cratère. Etonnant. 



Appareils photographiques sur pieds, nous attendons les suivantes. Gérard Plancheneault, le photographe du groupe, formidable pédagogue, donne des conseils à Guy. Temps de pose, sensibilité, vitesse, tout y passe… Il n’ a pas le temps de finir son briefing qu’une autre éruption se déclenche. Clichés en rafale. On y est. L’ambiance est des plus excitantes. Il est rare de se retrouver dans pareil univers. Sur un îlot loin de tout. Avec un volcan actif connu dans le monde entier à moins de deux cent mètres face à nous et dans le dos le célèbre Détroit de Sonde. Le soleil commence à décliner et la mer se pare de superbes couleurs. A nos pieds, on découvre une jolie hanse arborée vert clair qui tranche avec le bleu des flots. Et plus loin, un morceau de l’ancien Krakatau qui sort de l’eau comme une cathédrale. La lumière dorée du coucher du soleil rend le décor magique, irradiant les visages tournés vers le sommet. 


Gérard Plancheneault et son Nikon. 


Tout est calme. Personne ne parle. On entend juste les oiseaux. Jusqu’au moment où une nouvelle explosion fait trembler le sol. Tous les yeux se fixent vers le volcan. Un haut panache se découpe en ombre chinoise sur le ciel dégagé. Et comme par chance, aucun nuage ne vient masquer les pentes du cône, ses lignes régulières se détachent nettement. Une noble silhouette surplombée de volutes sombres qui montent calmement. 




Le jour tombe petit à petit. Chacun se calle contre un rocher et se couvre chaudement en prévision de la longue nuit qui s’annonce. Pierre, notre chercheur, géologue motivé et oenophile à ses heures, sort une bouteille d’apéritif. Les verres passent. Les corps se réchauffent et les langues se délient. On commente avec passion les premières irruptions quand là le cratère se met à rayonner. Avec le noir, on perçoit moins les fumerolles, mais les bombes sont plus visibles. 



Parfois jaunes, le plus souvent rougeoyantes. Au contact de l’air, les scories changent de teinte. Le fer contenu dans la lave chaude s’oxyde et devient rouge. Du coup, les flancs se strient de lignes orangées chaque fois que les blocs en fusion rebondissent. Enfin, je touche ce que je suis venu chercher. Des gerbes de feu qui jaillissent. Une fontaine qui brille de multiples scintillements. 


La mise en bouche nous a donné envie. Il faut juste s’armer de patience. Une heure. Une heure à discuter, à regarder les étoiles, à rêver. Mais quelle joie lorsqu’ une nouvelle explosion se fait entendre. Pas de coulée comme j’aurais pu l’imaginer, juste des projections. Et quelles projections ! Autant à la tombée de la nuit, on devinait des lueurs rouges grosses comme des mégots de cigarettes, autant on aperçoit maintenant de belles lignes orangées. Pendant vingt ou trente secondes, les blocs écarlates sortent à toute vitesse. Et retombent sur le sol après être montés à plus de cent de mètres de haut. Beau spectacle. Surtout que les pierres dévalent sur le flanc du cône, ricochant tous les dix mètres. 

Une fois, deux fois, trois fois. A chaque fois, la même sensation. La fascination de sentir le pouls de la planète, de l’entendre respirer. De la sentir vivre. De ne plus compter le temps en journées ou en années mais d’imaginer la Terre sur des milliers d’années. Une toute autre dimension. En regardant les gerbes surgir à intervalle régulier, on a le sentiment de plonger au plus profond de notre histoire. 





Une longue nuit commence. Rythmée par les explosions. D’heure en heure, de nouveaux détails apparaissent. L’orientation des projections change. Après les avoir contemplées de profil, assez loin, elles se rapprochent. Imperceptiblement, elles se rapprochent et tournent de 10 degrés en 10 degrés. Au fur et à mesure, nous les voyons de face, ce qui les rend plus lumineuses encore. Un changement qui nous remplit d’allégresse car chacune nous apporte son lot de surprises. Sur certaines d’immenses éclairs blancs viennent zébrer le ciel. Des zébrures dignes des soirs d’orage. 


Guy, Gérard et Béatrice, le docteur de la bande, tous amoureux de photos se régalent. C’est à celui qui aura la plus image. Et entre les explosions, ils devisent sur les optiques à grande ouverture, le déplacement des miroirs dans les boîtiers, les temps de pose nécessaires sur les scènes d’action et les vitesses d’obturation des Nikon numériques. Vastes débats. Capable de les maintenir éveillés des heures et d’endormir aussi sûrement les moins technophiles. 



A une heure du matin, l’attention est maximale. A quatre heures du matin, l’intérêt pour ces sujets a tendance à se relâcher. Dès lors, tout est bon pour ne pas fermer les yeux : Ipod, étirements, voire baisers. Quand certains parlent focales, trépieds et déclencheurs, d’autres rigolent en se rappelant les répliques d’OSS 117, le Caire nid d’espions. « - Avant de partir sale espion, fais-moi l’amour !- Non je ne crois pas non...- Pourquoi ?- Pas envie... » « Tu n’es pas seulement un lâche, tu es un traître, comme ta petite taille le laissait deviner. »




Sur ce type de volcan strombolien, la patience finit toujours par payer. A une nuance près : si la moyenne entre deux éruptions est d’une heure, elle varie de 30 minutes à 1 heure 30. Et plus le temps est long entre deux explosions, plus la déflagration est importante. A 4 h 30 du matin, alors que certains piquent du nez, en une fraction de seconde, le ciel devient complètement orange. Un énorme halo entoure le cône sur lequel se découpent des gros blocs de lave. Une gerbe splendide suivie pendant dix secondes du grondement des pierres qui roulent le long de la paroi du Krakatau finissant leur course à nos pieds. Etrange impression. Sitôt les dernières flammèches éteintes, le panache s’efface balayé par le vent et le silence enveloppe à nouveau le sommet indonésien.   


Les photographes sont aux anges. Ils tiennent leur cliché. Reste maintenant à déterminer si l’on va se coucher ou non. Il se fait tard. Ou tôt, c’est selon. Faut-il encore attendre une heure pour voir un spectacle sensiblement identique ? Certains pensent au sac de couchage laissé sur la plage, les autres se disent qu’ils n’ont pas fait le tour du monde rien et conquis par l’ambiance estiment que dans un tel cadre peu importe mérite une nuit blanche. Du coup par solidarité, ne voulant pas priver les plus motivés d’une dernière photo, le petit groupe décide de rester sur place. Chacun parie sur une irruption rapide. Une demi-heure après, rien. Une heure, toujours rien. Une heure et demi, pareil. Ceux qui de toute façon ont abandonné tout espoir d’obtenir une image digne de ce nom avec leur appareil compact digne de ce nom commence à trouver la veille un peu longue. Une heure trois quart, aucun signe d’activité en vue. Deux heures, idem. Une certaine lassitude se lit sur les visages quand soudain, un gros vacarme retentit. Le volcan resté sans vie plus de deux heures se met à cracher des monceaux de roches en fusion à une hauteur incroyable. A peine le temps de régir qu’on entend tout proche le bruit sourd de gros blocs qui s’abattent à quelques mètres de nous. Nous sommes juste en dessous du bombardement. Ni une ni deux, je raccroche la sangle de mon casque et le maintient solidement sur la tête avec mes deux mains. Les impacts redoublent. Ne sachant comment réagir, je recule de quelques pas en arrière pensant m’abriter un peu derrière un gros rocher. Las, une bombe énorme atterrit à trois mètres dans mon dos. J’entends des branches d’arbres casser un peu plus bas dans la pente. La force de projection est énorme. Je ne sais plus que faire. Cela tombe devant, cela tombe derrière. Mon pouls s’affole. Banbam, banbam, banbam… J’avance du coup à toute vitesse me plaçant derrière Guy et je me recroqueville tout en gardant les yeux bien en l’air pour éviter les météorites. Les battements de mon cœur s’accèlèrent. Banbam, banbam, banbam… Une seconde, deux secondes, trois secondes, quatre secondes. Les pierres continuent de rouler et de sauter un peu partout sur les parois. Progressivement, le calme revient. Et je vois les derniers blocs en flammes s’éteindre peu et peu. Emotions. 
L’explosion avait été plus forte que les précédentes et les bouts de lave avait été propulsés bien plus loin que lors des toutes premières éruptions. Le bouchon trop longtemps retenu avait éclaté avec plus de vigueur. Heureusement, la majorité des pierres étaient passées plus à gauche ou au dessus de nous. Après cette dernière secousse très impressionnante, chacun y va de son commentaire. L’effet de surprise avait été total. Personne n’aurait parié sur une telle projection. Jusqu’à présent, les neuf autres explosions s’étaient toutes arrêtées à distance, légèrement sur notre gauche et nul n’avait imaginé être arrosé comme cela. Soulagé, tout le monde sourit, un verre à la main, histoire de reprendre ses esprits. Le jour vient de se lever et l’horizon se dégage. Gérard et Béatrice replient leurs pieds et rangent leurs objectifs tranquillement. Inutile de tenter le diable. Surtout que c’est l’heure de regagner notre embarcation. 


L’un derrière l’autre nous remontons sur la crête de notre promontoire. Guy avance lentement en tête avec sa démarche si particulière. Je ferme la marche. Je regarde en arrière et je tente de graver dans ma mémoire ce cône qui nous aura fait rêver. La lumière du matin est douce. Je sors mon appareil de mon sac espérant secrètement une ultime éruption. Je vais doucement. Dans l’espoir de fixer une dernière fois les feux du cratère, je laisse les plus pressés prendre de l’avance sachant que dans la descente, je les rattraperais sans mal. En retrait du groupe, qui a déjà commencé à plonger vers la plage, je confie mon rêve à Annie. Je lui demande depuis combien de temps, le volcan a retrouvé le silence. « 45 minutes, ce n’est pas la peine d'attendre : on peut oublier » me répond-elle. L’intervalle entre deux explosions étant d’habitude d’une heure, je me résous à prendre une dernière image sans grande originalité avant d’entamer la descente. Mon appareil en main, je lève la tête vers le sommet. Et là je n’en crois pas yeux : une fumerolle sombre commence à poindre. A peine ai-je esquissé un geste du bras pour prendre une photo, qu’un énorme panache anthracite apparaît. Je n’ai même pas le temps de presser sur mon déclencheur, qu’une gigantesque explosion retentit. 



Un énorme champignon rouge sang emplit le ciel. Je ne distingue quasiment plus rien : qu’un nuage écarlate parsemé de gros blocs rouges et noirs qui se dirigent vers moi. Plus question de prendre une photo. Ni une ni deux, je me retourne. Et dans un instinct de survie, me mets à sprinter. Droit dans la pente. Comme jamais. Je tourne juste les yeux pour voir les pierres qui s’abattent tout autour de moi.




Le spectacle d’apocalypse derrière moi n’est pas sans me rappeler les affiches de films de guerre. Celles où l’on voit les héros détaler devant d’immenses boules de feu, avec des balles qui fusent à droite et à gauche. Sauf qu'en l'occurence c’est moi qui cours, qui joue ma peau et que mon nom ne barre pas un placard publicitaire . Il y a des impacts partout sur le sol. Devant moi, c’est la folie. La plupart de mes compagnons sont à terre, Guy leur hurle de lever les yeux, de remettre leur casque. Certains sont tombés. D’autres ont perdu leur sac en route.


 En quelques foulées, je les ai rattrapé et dépassé. Aucune panique en moi, juste une pensée : me mettre hors de portée des bombes. Je saute dans le vide et je fonce comme lors mes plus belles descentes à skis. Je dévale les flancs du promontoire en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire. Je cours avec une seule idée : tracer, tracer : m’éloigner du cratère. Au bout de plusieurs secondes, je sens que le bruit s’atténue. Je ralentis et je souffle. Je n’en reviens pas  mais je suis indemne.
Gérard Plancheneault et Béatrice Serre Kuperberg.


J’ai immédiatement une pensée pour mes compagnons. Vu l’intensité de l’explosion, il est inconcevable qu’ils ne soient pas touchés. Devant moi, il y a des scories partout. Derrière, le spectacle est pire encore. Difficile de distinguer quelque chose. Un épais brouillard gris enveloppe le cône du Krakatau. Je devine juste quelques ombres. Quelques silhouettes pâles. Le nuage se dissipant, j’aperçois Gérard et Béatrice. Complètement couverts de cendres. Ils sont figés. Pareils à deux statues de plâtre. Guy est derrière eux, un peu hagard. Nous nous comptons. Nous sommes tous là ! Sains et saufs. Pas un blessé… Un  miracle ! Notre heure n’avait pas sonnée.


B Serre Kuperberg, G Planchenault et G de Saint Cyr.


L’ambiance est étrange. J’ai l’impression d’évoluer dans du coton. Les bruits sont comme assourdis. Autour de nous, les cendres masquent les contours des reliefs et c’est à peine si l’on perçoît l’immense panache qui continue de surplomber le volcan. A part sur les photos des décombres du 11 septembre, je n’ai jamais vu un tel paysage cataclysmique avec des personnages déambulants hagards sans trop comprendre. 






Nous sommes tous un petit peu sonnés. Déroutés par cette explosion qui nous a tous pris de court. Et heureux d’avoir réchappé à l’expérience la plus forte qui nous ai été donnée de vivre. Il nous faudra quelques minutes pour réaliser. La déflagration avait été sans commune mesure avec celle qui avait précédée, projetant des roches presque jusqu’à la plage. En descendant dans la forêt, nous découvrons des branches cassées par les projectiles et d’impressionnants trous dus à l’impact des blocs de lave. Un d’entre eux fait près d’un mètre de diamètre avec au fond une concrétion de la taille d’un pneu de voiture. Dire qu’on aurait pu être touché : rétrospectivement personne ne fait le malin. Surtout que cinq minutes après la chute, la lave solidifiée est encore chaude. Les conversations sont rares. Il n’ y a rien a dire. Plus ou moins consciemment, nous avons tous le sentiment d’avoir tiré le gros lot au loto.

Nous atteignons tranquillement la plage. Rien n’ a changé sur notre campement. Sans trop parler, nous nous changeons pour nous baigner. L’eau est chaude, réconfortante. Enfin propre, délassé, flottant sur le dos, avec le Krakatau en fond, je revis la scène. Jamais, je n’aurais imaginé me retrouver dans une telle situation. Je me sens plein. Fort. Heureux d’avoir vécu un moment privilégié. D’une intensité rare. Un de ces instants qui marquent une existence. J’étais venu observer la beauté des volcans, j’avais découvert leur force. Leur puissance phénoménale.



 Je pensais au cours de mon voyage me contenter d’un rôle de spectateur passif, touriste hébété par les couleurs chamarrées d’un joyeux feu d’artifice. Rien du tout. J’avais été acteur. J’avais ressenti au plus profond de moi-même des sensations sublimes. Un curieux mélange de peur et d’excitation. J’avais eu de la chance. Mais pas forcément celle que l’on croit. Celle d’avoir participé à une expérience hors du commun. Celle d’avoir touché du doigt un aspect méconnu des volcans, leur démesure, leur violence démoniaque. Et de m’être introduit quelques secondes dans l’intimité de la planète. 





Photos : Jean-Marc Paillous, Gérard Plancheneault, Béatrice Serre Kuperberg et DR

lundi 17 juin 2013

Grand dîner en blanc, millésime 2013 : Paris à Louvre ouvert. Une douce nuit d'ivresse et d'allégresse.



La cour Napoléon envahie de jooyeux convives tenant des cierges magiques le 13 juin 2013 à 23 heures à proximité de   la pyramide du Louvre dans le coeur historique de Paris. Photo Jean-Marc Paillous
Cette année encore, le dîner en blanc à tenu toutes ses promesses : un cadre prestigieux, des convives élégants et une ambiance enjoué. Jeudi 13 juin sur le coup de 21 heures, plusieurs milliers d'épicuriens ont pris d'assaut les alentours de la pyramide du Louvre bardés de tables, de chaises, de nappes et de chandeliers et se sont installés en un clin d'oeil autour des bassins de la cour Napoléon.



Tout le blancs vêtus, rivalisant d'élégance, sitôt le soleil couché, ils ont passer quatre heures à festoyer à la lueur des bougies en plein air face au coeur d'un des plus beaux monuments de la capitale. Au menu : champagnes, bourgognes, huitres, caviar, foie gras, sushis selon les goûts de chacun.


Mais plus que par les mets, cette 25 ème édition  a comme toujours été marquée par son ambiance. Toujours plus festif, cet événement restera comme un des plus musicaux avec quelques arias entonnés à proximité du chef d'oeuvre de Pei, des solos de guitare échevelés, des groupes de jazz et les traditionnels disc-jockeys débarquant leur Mac sous le bras. Et les danseurs grisés par la douceur de cette belle nuit d'été sans nuage, après un après midi très humide, s'en sont donné à coeur joie. Rigolant, fleurtant, chantant, célébrant à leur manière l'arrivée des beaux jours. Rigolant, fleurtant, chantant, célébrant à leur manière l'arrivée des beaux jours.

Photo : Alex Fou

Convivialité, légèreté, insouciance de quelques happy few oubliant la crise et la morosité le temps d'une soirée. Douce nuit. Nuit d'ivresse et d'allégresse.



Une parenthèse enchantée. Dans l'esprit des grandes fêtes classiques qui devaient animer les habitants du Louvre au temps de sa splendeur.
Frivole et sublime, une manifestation toute parisienne.  Superbe.

PS : Pour tous ceux qui ne connaissent pas cet événement estival dont les invités découvrent le lieu à la dernière heure, je vous invite à relire mon billet posté l'an dernier à la même époque ou à regarder la vidéo de promotion mise en ligne par ses organisateurs.



Un grand merci à Nadine Rubeus, radieuse rallieuse. 

mardi 4 juin 2013

Freeride en Alaska : pourquoi tant de "Haines" ?




Le glacier bleu très crevassé me fait penser aux séracs de la vallée du Mont-Blanc. Cela ne fait que quelques minutes que j'ai quitté Juneau, la capitale de l'Alaska dans mon petit avion à quatre places que je suis époustouflé. Au début, j'avais l'impression de survoler la mer de glace.



Mais au bout d'un quart d'heure, je m'aperçois que plus cela va, ce n'est pas une vallée de Chamonix mais des dizaines qui s'offrent à mon regard. Autour de moi, les cimes des montagnes sont acérées et  leurs versants  couverts d'une fine poudreuse immaculée. Le panorama vu du ciel est fabuleux.




Sous le cockpit, la mer bleue foncée, et sur le coté, des sommets blancs à perte de vue. Sans aucune infrastructure, ni aucune ville. Je commence à saisir peu à peu le caractère sauvage du lieu et sa démesure.  Et je me dis que je n'ai pas fait deux jours de trajet pour rien. L'Alaska que l'on pressente souvent comme le spot ultime pour les skieurs, l'équivalent du North shore à Hawaï pour les amoureux des grosses vagues est fidèle à sa réputation. Devant la beauté du paysage, je comprends pourquoi chaque année les meilleurs riders de la planète viennent se faire photographier dans le 49 ème Etat des Etats-Unis.



Au bout d'une heure, je découvre au fond d'un fjord un minuscule port de pêche et une courte piste d'atterrissage. Et là je suis tout de suite mis dans l'ambiance. Sur le tarmac microscopique, il y a là deux gars avec casques et harnais prêt à monter dans un hélicoptère rouge.




Et un petit bout de femme m'accueille avec une poignée virile et un grand sourire. Ni une ni deux, elle attrape mon énorme bagage de 30 kilos, le met sur l'épaule et le jette dans un pick up plus haut qu'elle où jappe un chien surexcité. A l'intérieur, un auto-radio qui crache de la musique country, des chaussures de skis, un sac, une corde. 10 minutes plus tard, me voilà dans un lodge à l'écouter me rappeler devant un écran les conseils de sécurité pour l'héliski : "Tu connais les règles de sécurité en haut montagne, ici c'est pareil. Il y a deux choses à savoir, à la fin de chaque face, il y a deux crevasses à sauter perpendiculairement. Et quand tu t'élances d'un sommet, vu la pente, il y a une coulée de neige qui devrait te suivre. Si tu ne veux pas qu'elle t'emporte, il y a deux possibilités, soit tu vas droit dans la pente à fond, soit c'est plus simple, tu te décales progressivement sur la droite ou la gauche pour la laisser glisser. C'est compris, tu laisses ton sac dans l'entrée, tu te changes dans les toilettes, je te donnes ton sac air bag, une radio et on y va."





Cela fait plus de 48 heures que je suis parti de Paris et j'ai à peine dormi à Juneau. J'ai traversé l'Atlantique, l'Amérique du nord, je suis à moitié "jet lagué" quand Sunny, le chef guide, me fait faire des tests d'Arva pour savoir si je sais retrouver une victime en avalanche mais je suis remonté comme un coucou suisse. Depuis des semaines, j'appréhende la météo. En général, début  mars les tempêtes sont courantes et il arrive que certains riders repartent sans avoir volé de la semaine, et là miracle il fait beau. Pas question de laisser passer pareille opportunité. "Je ne suis pas là pour acheter du terrain", comme on dit en Savoie.





L'hélico arrive pour faire le plein, bien plus petit que celui que j'employais au Kamchatka. A l'intérieur, je rejoins deux riders américains habitués du lieu qui ont déjà fait plusieurs rotations. L'appareil se pose sur une crête étroite. Atmosphère. Atmosphère. Pas trop le temps de faire la discussion. Mon guide que j'avais  à peine entrevu à l'avant me sourit.  "Salut moi, c'est Tom. Tu skies où d'habitude, Jean-Marc ? A La Grave, c'est cool. Tu vas voir ici c'est un peu le même trip. T'es ready ?" Et il plonge dans la pente. Suivis par les deux Ricains qui ne sont visiblement pas là pour contempler le panorama. Un petit saut depuis la corniche et me voilà sur ses traces en train de passer d'une combe à l'autre. Les trois compères sont partis à un train d'enfer. Heureusement, il y a au moins 35 cm de poudreuse. Cela va vite, à peine je retrouve les autres qu'ils sont repartis. "Ouah. Qu'est ce que c'est ce truc ?" Je mets une descente à me régler.




Je reprends mes esprits et ma respiration dans l'hélico qui nous remonte pour le prochain run. A l'arrivée, nous marchons un peu dans la neige profonde pour passer dans une autre vallée. J'en ai au dessus du genou. Je découvre un vaste de neige immaculé. Tom me montre de son bâton un point en contrebas et il nous indique que c'est le point de ralliement, et descend s'assurer qu'il n'y a pas de danger. La pente est bonne, la neige légère.  Il nous confime par talkie que c'est "tout bon". Je regarde les autres et me rappelle le dicton "No friend on a powder day". Ni une ni deux, je pars sans les consulter à fond en grandes courbes. Je déchire la montage en faisant d'énormes gerbes de neige. Yes ! Et on enchaine jouant avec le relief, en sautant quand les rochers s'y prêtent. Le pied !


Le soir, seul, en défaisant mon sac dans ma chambre, j'ai du mal à me dire que je n'ai pas rêvé. 
Le lendemain rebelotte, le ciel est dégagé. Le breakfast avalé, vers 9 heures, je m'envole avec deux nouveaux américains très sympas en compagnie de Scott Sundberg. Je ne pouvais tomber mieux. "Sunny" est un des guides les plus expérimentés d'Alaska, super pro, très sûr, toujours calme. Il respire la sérénité.


Après deux ou trois runs pour se mettre en confiance, nous sommes chauds. Sunny a eu le temps d'inspecter le coin et donne une indication au pilote. On longe une montagne ultra abrupte. Le pilote essaye à plusieurs reprises de stabiliser l'appareil à proximité d'un crête fine et nous descendons alors qu'il est à peine en surplomb. Ambiance. Nous grimpons la paroi enneigée presque à la verticale pour nous passer de l'autre côté. Et nous découvrons une face impressionnante. 800 mètres de dénivelé à 45%. Gavée de poudreuse. Large. Une pente soutenue mais régulière. Le rêve. Sunny part en traversée pour s'assurer que cela tient puis descend en petits virages d'une traite jusqu'en bas. A part le "slough", la coulée de poudre habituelle qui recouvre ses traces, rien n'a bougé.


J'en crois pas mes yeux. L'accès est un peu délicat, raide. Un des Américains passe l'entrée prudemment et envoie une série de virages. Je l'envie. Depuis le début j'ai vu ma ligne. Six énormes virages. Je bouillonne. J'avance et je pars à Mach 2 porté par l'adrénaline. Ce n'est qu'un long cri de joie. Grisé par la vitesse par cette neige froide qui tient la courbe, je me laisse aller, toujours plus vite. Avec la neige qui gicle de part et d'autre. Un rêve éveillé. Je finis les bras en l'air et je tape dans la main de mes acolytes, les yeux presqu'embués. "J'ai envie d'embrasser Sunny. Incroyable. C'est un des plus beaux runs de ma vie. La descente parfaite. Inoubliable. Celle qu'on attend. Des sensations de malade.


Le soleil est là, et on enchaine les descentes. Chacun choisit son chemin avec l'accord du guide. Tantôt sur des pentes inclinées pour se plaisir tantôt dans des grands vallons pour envoyer du gros. Jusqu'à 17 heures avec une dernière partie de plaisir dans un half pipe naturel rempli de poudre en poursuite presque spatule contre spatule avec un Américain, le tout dans une splendide lumière dorée.


Les jours suivants seront du même acabit. Contrairement à mes pressentiments, la météo s'est installée au beau stable. Aux dires des locaux, il y a eu moins de chutes que les années précédentes, ce qui rend impraticables certaines faces engagées, mais le matelas reste suffisant pour glisser. La neige formée par les dépressions venues du Pacifique légèrement iodées qui viennent se déverser contre les contreforts de l'Alaska tient bien rendant rares les risques d'avalanche même sur des versants très inclinés.


Même si on en a pas jusqu'au cou, elle est belle. Sur les faces au soleil, les flocons forment comme  un manteau brillant. Chaque virage projette des milliers d'étincelles. Formidable impression.


Je me sens bien comme si j'avais été vécu et skié toutes ces années jusque là sans le savoir pour être là au centre de ce terrain de jeu unique. Au milieu de ses vallées glacières qui me faisaient penser à Chamonix ou Engelberg, il y a deux cents ans.




Après les premiers jours avec des Américains, je ride avec des Belges un peu déjantés puis des Français    aussi motivés que moi. Le hasard fera que là où je croyais être scotché par des Scandinaves ou des Anglo-saxons, c'est avec un Toulousain et un Agenais, Max Barros et  Christophe Malbet, que je m'éclate. A celui qui fera le moins de courbe. Peu à peu, Scott puis Ben Anderson comprennent que si nous avons traversé la moitié de la terre c'est pour goûter aux spécialités locales : les spines et les pillows.




Les spines  : des crêtes qui se forment au milieu des  goulets créés dans les pentes très raides par les coulées de neige. Un exercice de style un peu particulier qui consiste à rester sur le haut de cette vague pour éviter de se faire prendre dans les couloirs par le slough qui immanquablement se mettre à partir derrière nous quand on glisse. Une technique qui n'est pas très naturelle car on a plutôt tendance à vouloir prendre les couloirs de part et d'autre mais s'avère grisant.


Et les pillows : d'énormes oreillers de neige qui recouvrent les rochers et qu'on franchit en les sautant les uns à la suite des autres. Un jeu qui rappelle les "vidéo games" car ils sont très rapprochés, pas toujours très larges et on ne voit pas les paquets de neige suivants. Quand l'inclinaison est prononcée, ce qui est un peu la marque de fabrique du spot, du départ, on ne sait pas combien de fois et où on va rebondir. Tout est une question d'agilité, de rapidité de pieds, d'équilibre et de confiante. En quelques secondes, on a vite fait de dévaler 100 ou 150 mètres de dénivelé en sautant comme un chamois.


Mais au-delà de la découverte de ce spot que certains disent "ultime", surtout quand on a la chance de bénéficier d'un hélicoptère pour quatre en guise de remonte-pentes privés, cette aventure aura aussi été une expérience humaine forte.



Les Américains sont des gens plutôt accueillants. Ils ne vous connaissent pas qu'ils viennent vers vous en vous demandant comment vous vous appelez et comment vous allez. Amazing. Ils vous adressent assez naturellement la parole et vous aident bien volontiers. Après l'Alaska, tout comme Hawaï n'est pas forcément représentatif du reste du pays. Surtout dans ce tout petit village de pêcheurs qui vivent un peu coupés du monde quand les intempéries arrivent. Les locaux ne sont pas stressés, chaleureux, volubiles, toujours prêts à dire à l'image des Marseillais mais pas fiables à cent pour cent. Ils sont souples sur l'organisation et les horaires mais c'est ce qu'il fait le charme du lieu. La circulation de l'information est aléatoire. Ce n'est pas parce que l'on dit quelque chose à quelqu'un que c'est sûr et que le message va être transmis. Une décontraction étrange quand on pense qu'ils vivent sous la même bannière que les chefs d'entreprises tayloristes de Chicago, les producteurs de L.A. ou les financiers de New York, des Américains réputés carrés et âpres au gain. Peut être l'Aloha spirit, l'esprit de la glisse qui veut que l'on ne s'inquiète pas de futilités et que l'essentiel est de savoir qu'on est là pour rider entre amis, pour vivre pleinement le moment sans se prendre la tête avec le futur ou ressasser le passé.



Ils sont "zen". "Cool" et "heureux" d'être avec vous. Sans être connecté chaque minute à leur téléphone. Assurément la meilleure façon de profiter de la vie. 
C'est toujours amusant d'entendre le matin la serveuse dire à chaque bout de phrase "wonderfull" ou "awesome. "Vous voulez du thé? fantastique." "Du bacon?  Génial."
L'endroit magnifique avec son fjord remplis de baleines, ses rivières regorgeant de poissons, ses forêts qui résonnent des sifflotements des oiseaux et des grondements des ours bruns. Mais la vie peut être rude. L'entraide est la première des vertus. Impossible de se brouiller quand on est que quelques de centaines reclus du monde en plein hiver et qu'on vit en vase clos à part quand l'été se profile avec les amateurs de pêche miraculeuse ou le printemps avec sa poignée de snowboarders et de skieurs qui apporte un peu d'animation.








Quand on m' a mené à mon appartement non loin de la forêt, en face de l'ancienne place d'armes du fort Seward, mon guide m' a dit :"Il n' y a pas de clé ici, personne n'aurait à l'idée de voler son voisin : tu repousses juste la porte en partant. En revanche ferme bien la porte du placard à poubelle, un ours aurait tôt fait de venir y mettre son nez."






Les habitants d'Haines sont proches les uns des autres, il se dépannent et s'épaulent, le coeur sur la main. Et quand un accident vient à survenir comme cela a pu être le cas lors de mon passage, femmes  et hommes, jeunes et vieux se soutiennent mutuellement. Avec coup de "hugs", d'embrassades pour se réconforter et de paroles sages prononcées les yeux dans les yeux pour faire face. Un esprit de groupe fort et une solidarité à toute épreuve pour surmonter les moments douloureux.







Alors pourquoi de "Haines" dans les magazines de glisse et l'imaginaire des skieurs du monde entier ? Parce que l'on pénètre un peu "into the wild". Parce que ces montagnes inspirent de belles lignes aux riders grâce aux joies de l'héliski. Parce que quand aux premières lueurs de l'aube, on traverse un champ de neige avec de la musique douce dans les oreilles et qu'on voit au delà du fjord, les cimes se parer de rose et qu'on se dit qu'on va aller vivre intensément les joies que la nature nous offrent, on pense que c'est le plus beau jour de sa vie. Parce qu'humainement, on ne revient pas identique d'un tel lieu.



Conseils pratiques : 

Une compagnie d'héliski sur Haines : 
Seaba Heli / http://seaba-heli.com
Une agence de voyage spécialisée dans le Big moutain :
Fabien Nadal
http://www.bigmountain-trips.com/fr-fr/
Et pour s'initier au freeride en France :
Didi Haase Test center Rossignol à La Grave
http://www.snowlegend.com





Et pour prolonger ce voyage pour ceux qui rêvent d'une aventure encore plus sauvage. Voici "Into the wild" version ski en hiver. "Drop in", le trip de Zack Giffin, un très fort skieur filmé par Ben Sturguleswski. Un régal...  Si avec ces images, vous n'avez pas compris pourquoi ce lieu fait rêver les skieurs du monde entier assoiffés de grands espaces et de sensations fortes... 



Drop in with Zack Giffin in Alaska from Outdoor Research on Vimeo.