vendredi 11 novembre 2011

Des étoiles dignes de grandes toiles : petite pause sur les temps de poses longs




La tête dans les étoiles, les pieds sur terre. Tel pourrait être le portrait de Lincoln Harrison qui, en moins d'un mois, vient de passer de l'anonymat le plus complet au rang de référence en matière de photos de nuit. Il lui aura fallu une petite série de clichés de paysages dans la pénombre pour s'imposer comme un des papes de la spécialité. Mais quels clichés ! Des images d'une grande beauté, bien construites, ultra nettes et surtout ultra-colorées. De petits bijoux chatoyants loin de Rhein II la photo le plus chère de l'histoire tout en gris et en vert.

Le parallèle  entre le travail du jeune photographe australien  et les toiles de Van Gogh est dans toutes les têtes. Mêmes lignes saillantes et mêmes teintes chaudes. Et même coup de coeur. A peine ces paysages ont ils été diffusés qu'ils ont été repris dans les blogs, les journaux du monde entier. La télé brésilienne en a même parlé dans ses journaux. Et peu à peu, ces créations qui étaient dans un premier temps commentées dans de petits blogs spécialisés ont fait leur apparition sur des sites grand public. 



Ces clichés brillent par leur originalité. L'intérêt est double. Esthétique tout d'abord : le grand public n' a quasiment jamais vu la nuit sous cette angle. Et pédagogique ensuite car on peut ainsi comprendre le mouvement des astres. La rotation de la Terre qu'on ne perçoit pas en temps ordinaire devient visible. 


L'histoire de Lincoln Harisson peut s'apparenter à la vie d'un complet néophyte qui aurait eu sur le tard un flash pour la photo. Il y a un an, en octobre 2010, il n'avait même pas d'appareil. Un jour alors qu'il voulait vendre des habits sur ebay il pénètre dans un magasin et achète à la va-vite un boîtier, un Nikon D3100. Un achat banal mais une fois débarrassé de ses vêtements, il se retrouve avec son appareil sur les bras. Ou plutôt dans les mains. Que cela ne tienne, quelques jours plus tard, il part à la campagne et se met a prendre des photos de paysages. Les premières images rendues, il se passionne pour cet objet magique et retourne à la boutique acheter d'autres objectifs. En une semaine, il en a pas moins de huit. Et ce qui devait être un simple achat utilitaire se met à prendre une place de plus en plus importante dans sa vie. Il se met alors à shooter deux à trois fois par semaine. Des paysages de bord de mer puis des panoramas du bush australien. Il tombe alors sur le charme des cieux de l'hémisphère sud et de ses étoiles qu'il fixe de plus en plus souvent. Loin de tourner au désastre, ces premiers clichés d'astres le confortent sur sa lancée. Et dès que les conditions sont bonnes, le ciel dégagé, il se rend dans la brousse. A 36 ans, sa vie en est bouleversée.




Sa technique est aujourd'hui éprouvée. Il est passé maître dans l'art de la pose de nuit. Pour arriver à fixer les transformations de la voute céleste, il prend sa voiture dès qu'il sait que le ciel est dégagé et installe son trépied peu avant la tombée de la nuit. Il paramètre ensuite son appareil sur un temps de pose long. Classique. A une seule particularité, il ne règle pas sur cinq ou dix secondes mais sur 15 heures. Du moins jusqu'au lever du soleil. Du "sunset" au "sunrise". Pour finir sous les "sunlights". 



Ces photos par leur cercles presque parfaits pourraient faire penser à un travail sur ordinateur. Il n'en est rien. C'est le résultat d'une longue patience. Parfois par grand froid, puisque la nuit, durant l'hiver austral, les températures peuvent descendre en dessous de zéro degré dans les environs du lac Eppalock. En fait, sous l'effet de la rotation de la Terre, les étoiles qui se traduisent par un point blanc lumineux s'impriment en laissant des courbes dans le ciel. Des traînées blanches qui laissent comme des rayures sur la voute céleste, vaste plafond coloré, éclairé par la lumière du soleil couchant puis de l'aube. Des impressions impressionnantes. Un grand temps d'exposition qui devrait l'amener très vite dans de grandes salles d'exposition.



Mais autant que sa maîtrise technique, c'est son art de la composition qui fait la qualité de ce travail. Fasciné par le ciel, Lincoln Harisson lui laisse une très grande place dans ses clichés. Une part importante mais pas totale. Il lui consacre deux tiers de l'espace, pas plus, et il essaye d'observer un subtil équilibre un tiers - deux tiers, une partie de l'image mettant en relief l'autre, le sol contrastant avec la nuit.
Sauf quand il cherche à jouer avec les reflets des astres dans l'eau où il partage alors son cadre géométriquement en deux.
Autre particularité, face aux étendues australiennes, pour éviter que la scène soit vide et trop nue, il utilise souvent un premier plan. Un arbre ou un rocher qui deviennent un sujet principal, qui attire le regard, qui structure l'image. Une amorce ou un premier plan vient du coup donner un peu de vie avec sa silhouette ou enrichir le panorama avec des diagonales.


D'habitude, les visiteurs des grandes expositions urbaines ne se préoccupent guère des étoiles. Mais le succès de cette série peut changer leur regard et les pousser à lever les yeux plus haut que les cimaises. Vers d'autres cimes, d'autres cieux. Et à redécouvrir les vitesses lentes. A un moment où on nous parle de plus en plus de temps du slow food, de slow thinking, les temps d'exposition longs devraient retrouver leurs lettres de noblesse. On les emploie souvent pour des paysages pour photographier les rivières, les mers, les cascades, les ruisseaux. La priorité à la vitesse lente sur l'eau qui s'écoule donne des effets de flous intéressants. Des vapeurs d'eau qui créent des halos, des voiles transparents, l'écume se transformant en mousse et enveloppant les rochers en premier plan. En prolongeant au maximum le temps de pose, les artistes lissent ainsi le mouvement des gouttes d'eau, les tourbillons des vagues et ce lever flou forme une lumière uniforme, douce les arbres ou les cailloux. La netteté de certains détails ressort alors d'autant plus plus qu'une légère brume entourent les autres éléments du plan. 






Dans ces cas là, l'utilisation d'un trépied est indispensable, car le photographe est sur des vitesses dépassant la seconde et le moindre mouvement du boitier créerait un "flou de bougé". Harrison fort de son expérience utilise son Nikon D 7000, (et oui grisé, il est aujourd'hui passé à un boîtier encore plus performant qu'il fixe sur un Manfrotto 0555 X PROB). Très utile à condition de bien fermer les articulations et éviter que le poids de l'appareil fasse imperceptiblement pencher la rotule vers l'avant. 




Si le trépied, c'est le pied néanmoins pour parer l'arrivée de micro-vibrations, inévitables lors d’un déclenchement manuel, il n'est pas plus mal de recourir à un déclencheur souple ou une télécommande infrarouge  pour le déclenchement. Ou à défaut, utiliser le retardateur. 




Qui dit vitesse lente, dit également fermeture du diaphragme pour compenser l'exposition car sinon trop de lumière rentrerait. Ce qui se traduirait par une image explosée, sur exposée. Et  si l' objectif est au maximum de sa fermeture, il ne faut pas hésiter à utiliser un filtre gris neutre aussi appelé ND, pour Neutral Density afin de ne pas être surexposé. Avec un indice pour mener à bien vos recherches dans les boutiques, un indice élevé, le ND 400 par exemple. Il n'y aucune modification de la colorimétrie : ce filtre, sur lequel il ne faut pas mégoter, permet uniquement de perdre de la lumière de manière uniforme, et de ce fait, faire baisser la vitesse d’obturation à diaphragme égal, sans surexposition. Lincoln Harrison prend des Singh Ray. Et pas seulement pour éviter de rayer ses objectifs.  




Enfin, pour un meilleur rendu, une petite retouche sur ordinateur ne nuit pas. On peut assombrir les tons sombres pour qu'ils soient bien denses en jouant sur la luminosité et jouer sur les couleurs augmenter  un peu la saturation pour faire ressortir les différents types d'éclairages ou renforcer certaines teintes. Et avoir des teintes pas éteintes. Essayez et vous deviendrez, au choix, un grand photographes d'étoiles ou une étoile de la photographie. 






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