lundi 15 octobre 2012

Félix Baumgartner, l'homme qui tombe à pic : l'étoffe du héros



Incroyable. Félix Baumgartner a réussi dimanche 14 octobre un authentique exploit. Il réalisé le rêve de tout homme : voler sans aucune aide. Et pulvérisé tous les records de chute libre.
S'élancer en parachute d'une hauteur de 39 km d'altitude alors que la majorité des sauts se font autour de 4000 mètres, descendre à plus de 1100 km/heure, dépasser la vitesse du son et tomber pendant plus de 4 m 19 sec en chute libre vers le sol. Le saut que le sportif autrichien vient de réaliser, très peu de personnes l'auraient tenté, et encore moins l'aurait réussi.




Au niveau sensations, difficile de faire plus grand.  Ouvrir la fenêtre de la capsule et découvrir la planète ronde bleue auréolée d'un halo de lumière.



Se tenir ensuite debout en dehors de la nacelle à 40 000 mètres de hauteur au dessus de la terre et se décider à plonger.


Chuter pendant plusieurs minutes en se sentant accélérer droit vers la Terre en la voyant grossir au fur er à mesure.


Chuter  à près de 1000 km heure soit trois fois la vitesse d'un TGV sans aucune autre protection qu'un scaphandre. 




Partir en vrille et arriver à contrôler comme un chef sans perdre son sang froid. 



Et se poser grande classe comme une plume comme si rien n'était en marchant. Le pied absolu pour tout amateur de vitesse !



Le rêve... Mais un plaisir qui pour tout un chacun restera au stade du fantasme. Car sauter dans l'inconnu, juste pour avoir la sensation de glisse ultime en prenant le risque de jouer sa vie demande une confiance extraordinaire. Et témoigne d'une maîtrise énorme... Chapeau bas ! C'est la Big Wave, puissance 10 !



Il est possible qu'entre la poussée final du rebord de la nacelle à l'atterrissage, le parachutiste, concentré qu'il était, n'ait eu que très peu d'instants pour apprécier. Mais pour tous ceux qui l'ont suivi en direct sur le net, c'était un très grand moment d'émotion. Pendant près deux heures, 35 caméras ont filmé l'ascension puis la chute de Félix Baumgartner. Grace au live du site Red Bull Stratos et au signal international relayé par Youtube, Zapiks, Gentside et tant d'autres, plus de dix millions de spectateurs ont vécu cette aventure comme si ils étaient dans la salle de contrôle à coté des ingénieurs, s'émerveillant quand le hublot s'est ouvert et croisant les doigts quand le minuscule point blanc qui descendait de manière irréelle s'est mis à tourner, tourner, sans qu'on sache quand cette spirale infernale allait s'arrêter.  Les caméras embarquées par le héros du jour dont les images ont été montées par la suite rendent bien le coté jouissif d'un tel vol. Le spectacle était tellement hallucinant, qu'il y a 2000 tweets par seconde pendant toute la durée du saut. La vidéo du saut où on le voit brinquebalé à droite à gauche  a été vue par plus de 5 millions de fois dans les 24 heures qui ont suivi.



 Quelle réalisation. Un long panoramique vertical sans son pour voir de très loin le corps de l'Autrichien partir dans tous les sens,  plan large sans son sur les opérateurs au visages déconfits, gros plan sur la mère au bord de l'asphyxie... Puis retour dans le ciel pile poil au moment où le contact radio reprend. "Roger", "Roger ". Et là joie du staff qui respire à nouveau avant d'applaudir à tout rompre. Un scénario irréel digne des grosses productions hollywoodiennes.


Sacrée soirée. Entre 20 h 08, heure où le parachutiste a fait un bref salut militaire les doigts tendus  avant de basculer vers le vide et 20 h 17 quand ce vainqueur de l'impossible s'est mis à genou les bras en l'air, les observateurs ont cru suivre admiratif d'un héros un dessin animé. Les plus anciens ont revécu les scènes de joie de leur enfance lorsque Youri Gargarine a fait le premier  tour du monde en apesanteur ou quand Neil Armstrong a posé le pied sur le sol avec la même incrédulité. C'était inimaginable et pourtant un homme l'a fait.


Un homme mais un homme hors norme. Un sportif accompli au mental de fer puisqu'il a avoué quelques heures plus tard, qu'il ne voyait quasiment plus rien mais qu'il continuait à parler pour rassurer son staff. Un des meilleurs parachutistes vivants aussi forts en chute libre qu'en base jump. Son plus grand exploit en date : un vol de 22 kilomètres au dessus de la Manche sans moteur seulement équipé d'ailes en carbone spécialement construite pour l'occasion. Largué à 10 kilomètres par un petit avion au-dessus de la ville de Douvres, il est arrivé à Calais, à 35 kilomètres de distance... Après six minutes de vol à plus de 350 kilomètres / heure. Adrénaline garantie. Et à l'époque, en 2003, il avait montré qu'il n'avait pas seulement l'étoffe d'un héros mais aussi celle d'un chef d'équipe capable de trouver un gros sponsor pour l'épauler et de fédérer une bande d' ingénieurs pour le suivre dans ses délires.





Il avait alors fait ses preuves montrant sa capacité à trouver un sponsor, déjà Red Bull et porter sur ses épaules un gros projet. Malgré son tatouage "Born to fly" sur l'avant bras droit et son allure de Top Gun un brin tête brulée, chez lui, il n'y a rien d'impulsif, tout est une question de préparation. Il ne laisse aucune place au doute et déteste qu'on le décrive comme un amateur de sensations fortes, un drogué de l'adrénaline. Comme dans tout sport de glisse, un bon rider est un rider vivant et si le casse-cou est encore là après tant de premières, c'est qu'il sait écouter, s'entourer et se préparer de manière unique. Le récit du saut du 14 octobre témoigne de son souci du détail qui tue puisque finalement c'est son parachute de secours qui s'est ouvert automatiquement qui a permis de rallier le dessert américain.



Faire le portrait de Felix Baumgartner, c'est raconter l'histoire d'un homme supersonique qui a moins de 45 ans est devenu une légende vivante. "Fearless Felix"  a toujours été attiré par le vide. Dès son plus âge, le natif de Salzbourg, qui va désormais faire de l'ombre à Mozart, rêvait de contempler le monde du ciel.  "J'ai toujours eu envie de liberté et toujours voulu voir le monde d'en haut. Tout petit, je grimpais déjà aux arbres, j'ai toujours voulu voler" confiait il récemment. Résultat, le petit prodige réalise son premier saut à 16 ans. Puis rejoint très tôt l'armée autrichienne pour se perfectionner dans les forces spéciales et s'entraîner au sein de l'équipe militaire autrichienne de démonstration. Un an à peine tant l'aventurier se sentait à l'étroit dans le moule militaire, lui, l'albatros aux ailes de géant.  Qu' à cela ne tienne, il remportera à 28 ans aux Etats-Unis le titre en 1990 de champion du monde de base jump, une discipline grisante qui consiste à se jeter d'un pont, d'un immeuble ou d'une falaise pour faire de la chute libre sans avion en dépliant son parachute au dernier moment.



"Start the cameras and your guardian angel will take care of you" restera comme une des phrases clés de la mission. Mais "Felix the cat", celui qui arrive toujours à tomber sur ses pates, est aussi un grand homme de communication, cette belle gueule de baroudeur a rapidement compris qu'il fallait mettre les médias dans sa poche si il voulait vivre pleinement sa passion. Ce qui l' a aidé car en trouvant un mécène de poids, il a réussi à monter le projet dont  les spationautes français rêvaient depuis la fin des années 1980 et qui avait été mis en veilleuse par Jean-Pierre Chevènement, ministre de la défense à l'époque, pour des raisons d'économie.


En bon pro du marketing, il soigne ses apparitions et est passé maître dans l'art du story telling. C'est ainsi qu'en 2006 pour sauter de la plus célèbre tour  de Suède, la Turning Torso de Malmöe dont les toits étaient interdits au public et parfaitement sécurisés, il a imaginé une mise en scène que seul Ian Fleming aurait osé. Il a sauté une première fois d'un hélicoptère qui survolait la cité pour atterrir sur la terrasse supérieure avant de s'élancer à nouveau quelques secondes plus tard avec un second parachute et se poser une dernière fois 190 mètres plus bas à coté d'une moto qui l'amenait loin des lieux de son forfait. Un scénario digne de James Bond, filmé avec plusieurs caméras. 



La vie de Félix Baumgarter est parsemée d'exploits et de record, un des plus célèbres restant son saut en base jump depuis la main de la statue géante du Christ Rédempteur de Rio de Janeiro dont le bras ne se situe qu'à 30 metres du sol. Une chute très technique puisqu'il lui a fallu préparer très soigneusement son vol pour éviter de s'écraser et survoler la célèbre baie d'Ipanema. 30 mètres :  à peine la distance qu'il faut pour déclencher un parachute. (Un défi que n'aurait pas osé inventer Michel Haznavicius, le réalisateur d'"OSS 117 : Rio ne répond plus".)  Et là aussi toujours le même sens du spectacle avec une voiture pour évacuer l'aventurier avant que les forces de l'ordre ne vienne l'interpeller pour trouble à l'ordre public.



Jamais en manque d'imagination, cet homme de coup, ce show man est même venu en France pour une de ses nombreuses "performances". Et pas n'importe où : en Aveyron au nord de la région Midi-Pyrénées. En juin 2004, alors que tous les architectes se pâmaient devant les lignes fines  du Viaduc de Millau en construction et qu'un maximum de précaution avaient été mise pour empêcher le public d'accéder au chantier et empêcher les suicidaires d'approcher, l'Autrichien avait réussi à passer outre les barrières et se jeter du pont et finir 342 mètres plus bas le long de la rivière. Avec à la clé un double saut périlleux remarquable et remarqué avant de tirer sur la poignée. A l'époque les responsables de la sécurité avait déposé plainte contre X, X qui finira par être identifié quand le parachutiste renommé a mis en ligne ses photos. L'affaire s'est finalement réglée à l'amiable en juin 2011. Soit 7 ans plus tard. Un délai dont peut s'enorgueillir la justice française. Depuis de nombreux base jumpers ont renouvelé l'exploit mais Felix Baumgartner en sautant cinq mois avant l' inauguration officielle montrait déjà qu'il était bien en avance sur son temps.


Son intrépidité n'a pas de bornes. Sa curiosité non plus. Son plus beau fait d'armes, hormis son record de vitesse, est sans doute pour moi son saut dans la grotte du Salon des Esprits dans le sultanat d' Oman à l'extrême sud est de l'Arabie en 2007 sur le plateau de Selma. L'homme qui tombe à pic avait déjà sauté dans une caverne en Croatie à Muscat mais ce jour d'Avril la performance est énorme, sans échappatoire. 120 mètres de hauteur, une chute dans le noir et l'obligation de changer de direction dans la pénombre en évitant les parois qui forment comme un puits de lumière. La grotte est inclinée et le vol d'abord droit doit se faire ensuite à l'horizontale à l'aveugle avant d'atterrir. Un saut étrange pour lui qui a l'habitude de partir du ciel face l'horizon. Une long travail de préparation, un exercice de concentration costaud et une gestion du timing qui lui auront bien servi ce dimanche. 

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Celui qui restera comme le sportif de l'année n' a pas volé son succès.  Ses trois records explosés après une semaine d'attente en font un héros des temps modernes. Surtout que pour une fois, il le confiait en conférence de presse quelques heures après son saut, outre la beauté du geste, il a su associer à son aventure une équipe scientifique dont les travaux pourraient permettre de faire avancer la conquête spatiale. Aujourd'hui, il a redonné du rêve aux hommes. Et ce n'est pas un mince exploit. Un bel hommage à Frantz Reichelt, le père du base jump,  qui il y a juste 100 ans s'était jeté du premier étage de la tour Effeil avec la même foi mais pas la même réussite. 



A la télévision, à la radio, les médias ont été unanimes pour saluer la performance humaine et technique. Sur le web, de nombreux hommages comme d'habitude. Avec des parodies on le voit transformé en chat sauter par la porte de la capsule, allusion à son prénom.


Les humoristes ont très vite vu tout le potentiel comique de cette aventure. Le célèbre Conan O'Brien, star du petit écran outre-Atlantique s'est amusé à mettre en scène un autre record :le plus petit saut en parachute du monde. La sensation en caméra embarquée est saisissante.




D'autres sans doute Parisiens sont même allés jusqu'à inventer une nouvelle mission impossible à Félix : prendre le RER B aux heures de pointe. De l'humour second degré mais qui a fait sourire ceux qui suent dans les wagons franciliens.


Autre astuce de saison, de gros clins d'oeil  bien appuyés à la dégringolade du président François Hollande dans les sondages.Plus étonnants provenant non plus d'internautes mais de sociétés qui ont surfé très rapidement sur ce gros buzz avec des détournements publicitaires avec deux vidéos marquantes : une réplique du saut en Légo et une autre plus simpliste avec un papier de Kit Kat qui vole au vent.


La parodie la plus déjantée est sans contexte celle de MikkaRochia, un fantaisiste qui a rajouté la bande son des Bronzés font du ski et en particulier le passage où Jean-Claude Duss saute en pleine nuit du télésiège à l'arrêt. La synchronisation de l'image et du son et le décalage des situations fonctionnent même la juxtaposition est un peu tiré par les cheveux. Pourquoi pas Joyeux Noël, Félix ! Je vous laisse juge. Les fans de la troupe du Splendid apprécieront.


 L'hommage le plus spectaculaire est venu d'Asie : une superbe animation du site d'information en ligne taïwanais spécialiste des courts métrages animés, NMA.TV, qui a réalisé une superbe reconstruction en 3 D. Un "replay" magique haut en couleur et en reliefs.

dimanche 14 octobre 2012

Martyn Ashton revient avec une vidéo de vélo trial qui tient la route et ne manque pas de selle




"Road bike party". On the road again. La dernière vidéo de Martyn Ashton est en bonne voie pour affoler les compteurs des sites de partage. En cinq jours, le court métrage de Robin Kitchin le mettant en scène en train de multiplier les acrobaties avec un vélo de course a déjà atteint 4 millions 200 000 vues sur You tube. 



Un million de visites par jour pour ce petit clip. Un succès considérable qui n'est pas sans rappeler l'aventure d'un de ses amis, Danny MacAskill, qui l'an dernier a posté en toute discrétion une vidéo tournée chez lui à Edimbourg et qui est devenu la super star du Trial grâce à son clip "Way back home". 23 millions de vues et une notoriété mondiale. 



Pour Martyn Ashton, ce soudain coup de projecteur est plus que paradoxal. Le cycliste britannique a été pro à seize ans, quatre fois champion  d'Angleterre et remporté  le titre suprême de champion du monde en 1995 en finissant premier de tous les grands rendez vous de sa discipline : au Japon, en Espagne ou en Slovaquie. 


Il a mis toute son énergie pour faire évoluer l'image du VTT Trial, en créant des événements grand public en ville, en écrivant des chroniques et en manageant une équipe de jeunes riders prometteurs. Et il va devenir célèbre à 37 ans au guidon d'un vélo en carbone conçu pour les compétitions sur route. Un Pinarello Dogma 2, l'engin utilisé par Mark Cavendish, le plus grand sprinteur actuel et par Bradley Wiggins, le vainqueur du tour de France 2012. Une perle à 12 500 euros qu'on manie rarement dans un skate park et encore moins sur les routes de campagne ou un pont à dix mètres de hauteur. 


Une perle de technologie plutôt lourd, très rigide, sans suspension, qui n' a rien a voir avec les prototypes chevauchés habituellement lors des virées urbaines. Et avec laquelle il est fort déconseillé de faire des roues avant ou des sauts périlleux. Très peu de cyclistes ne s'y seraient essayé. Encore moins  auraient réussi à survoler les obstacles avec un tel aplomb. Faut reconnaître que Martyn Ashton est un funambule extraordinaire capable de grimper les escaliers d'un immeuble ou de sauter une falaise. 



Quoiqu'il en soit, l'enthousiasme suscité par cette "road bike party" est une belle reconnaissance du travail du britannique qui depuis 20 ans s'efforce de populariser le VTT Trial, une discipline qui était plutôt confidentielle, très peu médiatisée,  et qui maintenant apparaît sur les chaînes spécialisées et qu'on entrevoit de plus en plus dans les rues en Grande Bretagne. L'aura du coureur devenu Team manager  dépasse aujourd'hui le petit monde des aficionados. N'étant plus directement concerné par le classement des épreuves du circuit pro, il a plus de temps pour faire des vidéos didactiques ou promotionnelles. Des pubs ou des petits films où il montre toute l'étendue de son talent. A l'image de la campagne "eMobile", ou celle de Mercedes-Benz ou il fait office de modèle dans les bureaux de la firme.  



Ce pied de nez ne manque pas de sel mais l'ancien "trialiste" n' en a que cure. Pour lui, l'essentiel est de faire connaître le vélo sans selle, que l'on peut utiliser en ville sur les trottoirs, dans les parks, en pleine forêt ou en montagne et de le rendre plus visible grâce à l'organisation en 2011 d' épreuves en ville à Bristol et Manchester pour le compte de Red bull UK.




Ce spécialiste du street trial a toujours eu le sens du show. Et il a appris à travailler en tandem avec les photographes et les cameramen. Ses photos témoignent d'une prise de risques calculée et d'une approche esthétique du VTT. Des clichés dans des cadres superbes qui sont repris dans les magazines qui montrent le courage et la maîtrise du sportif. Consultant à ses heures, il en connaît un rayon en terme de com et par les reportages auxquels il participe, le Britannique contribue à l'image du vélo plaisir.  







Son but : que son sport progresse. Pour faire évoluer la discipline, il n'hésite pas à donner de sa personne. Il a battu des records de saut en hauteur sur ces petits engins dotés de suspensions, des performances diffusés à la télé anglaise et enregistrées au Guinness book et il réalise de petites vidéos où il donne des conseils aux jeunes. Des petits modules simples et bien mis en scène. 




En bon ambassadeur, il contribue également à faire évoluer le matériel. Le cycliste de Newbury a créé en 2002 sa propre compagnie Ashton Bikes Ltd. Une société qui desinne et fabrique des montain bikes trial haut-de-gamme en série limitée notamment pour Raleigh.
L'entreprise de Martyn Ashton n'est pas encore très connue mais gageons qu'avec un peu de réussite, elle pourrait devenir aussi célèbre dans son secteur d'Aston Martin pour l'automobile.




A défaut, on peut lui souhaiter de faire d'autres vidéos ambitieuses. Tout comme l'autre star de la discipline, Danny MacAskill, qui avec son spectaculaire est devenu un poids lourd du web après avoir sorti deux autres films à succès à Londres et dans une usine désaffectée. 
Mais pas d'inquiétude à avoir, cela devrait rouler pour l'as du vélo à suspension qui a toujours su rebondir... Son nom est déjà plus connu que celui de Catherine Ashton, la porte-parole de l'Union européenne.

samedi 6 octobre 2012

Ikea, une communication qui tient du bricolage


C'était le jeu de la semaine sur la toile. Trouver les sept erreurs du catalogue IKEA à destination de l'Arabie Saoudite. A première vue, les meubles y sont, les tables, les chaises. Ce sont les mêmes clichés que l'on peut voir un peu partout en Europe ou aux Etats-Unis. A une exception près. Il manque des personnages. Et pas n'importe lesquels. Les utilisatrices.


Pas de femmes, pas de petites filles. Là où l'on peut observer chez nous, une famille au complet en train de se brosser les dents, les Saoudiens n'ont droit qu'à un père et ses deux fils accomplir ce geste on ne peut plus banal. Les Scandinaves auraient-ils une dent contre 50 % de la population? Que nenni. Dans ce pays du Golfe, où les habitants pratiquent un islam rigoriste, on trouve très peu de femmes dans les pubs (dans les publicités bien entendu, l'alcool est proscrit là-bas ) et le roi de la décoration d'intérieur n' a souhaité prendre aucun risque.


Etrange discrimination. La Suède, pays du fabriquant du meuble, est un pays phare de l'égalité hommes / femmes et cette absence a choqué. A peine révélé par la version finlandaise du quotidien Métro, le gouvernement de Stockholm s'est publiquement prononcé contre ce type de pratique misogyne. La ministre des Affaires européennes, Brigitta Ohlsson s'en est pris, sans langue de bois, au géant de l'ameublement, qualifiant sur Twitter le procédé de "médiéval". Sa consoeur, Ewa Björling, ministre du Commerce extérieur a affirmé "que cela ne se faisait pas de supprimer les femmes de la réalité." 



Pris sur le fait, la marque s'est excusé et regretté cet ajustement "contraire à ses propres valeurs". Mais sans cette levée de bouclier, il est fort à parier qu'elle se serait assise sur ces principes. L'appât du gain ayant raison de la charte de l'entreprise. A demi-mots, ses dirigeants ont reconnu, que pour entrer sur un un nouveau marché, ils devaient trouver "un bon équilibre entre leurs valeurs et la culture ou la législation locale qui peuvent être différents".


Peu importe que les femmes ne puissent quasiment pas voter ou conduire une voiture, Ikea s'en accommode, la multinationale a trois magasins en Arabie Saoudite et veut profiter de ces enseignes qui affichent un chiffre d'affaires à deux chiffres chaque année.


L'affaire a fait d'autant plus de bruit que contrairement à ce qu'avançait le constructeur scandinave dans un premier temps la volonté d'enlever toute présence féminine du catalogue n'était pas l'oeuvre d'un retoucheur trop zélé ou ne provenait pas d'une erreur d'inattention d'une franchise éloignée, mais relevait d'un choix prémédité. En y regardant de près, certaines ombres ont changé, l'éclairage aussi. Les spécialistes en ont déduit qu'il y avait eu plusieurs photos prises en studio le même jour avec les familles puis sans et que dès le départ les responsables souhaitait avoir un jeu d'images sans  personnages et sans femme en particulier.




Seul compte le tiroir caisse. Kit a se renier. Fin Août, Ikea Russie voulant faire moderne et "2.0" avait organisé un un concours de photo. Une idée originale pour susciter un engouement autour de son nom, jouer sur la proximité et dénicher de nouvelles idées graphiques. Gros succès. Des centaines d'artistes amateurs envoient leur cliché espérant secrètement gagner des bons d'achats et retrouver leur photo en couverture du catalogue à venir comme les organisateurs s'y étaient engagé. Les règles étaient simples n'importe qui pouvait participer, il suffisait de se rendre dans une boutique et le visuel qui recevrait le plus de suffrages de la part des internautes l'emporterait.


A l'arrivée, l'image la plus plébicitée est celle d'un jeune homme originaire de l'Oural. Son cliché représentant des jeunes portant des cagoules multicolores à la manière des Pussy riot asssis confortablement dans un canapé IKEA recueille plus de 1400 "like. L'image en tête du classement pendant une semaine commence à faire le buzz. Jusqu'à ce qu'elle soit retirée pour éviter qu'un amalgame soit fait avec les jeunes contestataires emprisonnées. La marque expliquant que son jeu ne peut être "utilisé comme instrument de propagande". Immense déception, incompréhension et avalanche de critiques, d'autant que le patron d'Ikea Russie, Lennard Dalgrenh, lui, ne se prive pas de s'exprimer sur la vie politique russe, souvent pour passer la brosse à reluire à Vladimir Poutine. Bref, une communication virale en bois chez une entreprise qui pourtant promeut l'esprit communautaire auprès de ces clients et qui a une stratégie agressive sur le net avec un emploi récurrent des mailing lists.


Ces "bad buzz" largement relayés sur la toile et les média traditionnels font mauvais genre. Surtout qu'en France l'entreprise est accusée de licenciement abusifs et de non respect de la vie privée de ses employés. Le retour de bâton ne s'est pas fait attendre. 



Le scandale est mondial. Un tumbler a même été créé à l'occasion, intitulé "I(KEA) got 99 problems but a bitch ain't one!"Traduction, Ikea a 99 problèmes mais une salope n'en est pas un !". Une page sur laquelle les internautes s'amusent à poster des photos célèbres sur lesquelles les femmes sont supprimées et remplacées par des meubles. 



A coups de retouches sur photoshop, les internautes tournent en dérision l'exces de zèle de la firme au logo jaune et bleu, imaginant un monde sans femme et des couples mythiques privés de beautés sensuelles ou spirituelles. Yoko Ono, Michelle Obama, Lady Di, Mère Thérésa font ainsi les frais de ces manipulations. 








L'incompréhension est d'autant plus forte que chaque année, le catalogue du géant suédois est un des ouvrages les plus publiés au monde devant la Bible et que lors des visites dominicales dans le centres commerciaux les femmes sont de plus en plus prescriptrices en matière de décoration intérieure.




Les stars comme souvent dans ce type de blagues potaches sont mis à contribution. Les super héros en premier lieu avec beaucoup de parodies d'affiches de films. 





Même Omer Simpson l'a eu amère. Comme souvent, il n'aura fallu que quelques heures pour que les geeks s'emparent de l'affaire et mettent le doigt la où cela fait mal détruisant l'e-réputation d'une entreprise comme cela avait été le cas en janvier de la Redoute. 

Ikea se vante de verser 30 millions d'euros pour financer des programmes d'aide aux femmes dans les zones rurales de l'uttar Pradesh, en Inde et s'en fait écho sur son site. c'est dire si l'erreur d'un directeur marketing un peu marteau fait désordre. Pour enfoncer le clou et dénoncer la schizophrénie de l'entreprise qui se donne bonne conscience quand ses enjeux financiers ne sont pas en question, les tweetos ont détourné des pochettes de disques ou des oeuvres d'art pour montrer le ridicule de la situation. 





En gommant les femmes, les illustrateurs n'ont pas tout imprimé, ils ont oublié une partie de ce qui fait le charme de la vie sur terre. Et les défenseurs se sont impressé de leur rappeler.






Les icônes suédoises sont mises à toutes les sauces. Un lasso, un clic, un copié collé et le tour est joué. Cela va du groupe pop ABBA à Ingvar Kamprad, créateur d'IKEA, célèbre pour ses lunettes qui a souvent été désigné comme l'homme le plus riche d'Europe avec un patrimoine supérieur à 42 milliards de dollars. Les icônes du pays déboulonnées, fallait vraiment que les consommateurs d'armoires en kit soient remontés.




Le travail en terme d'image auprès des consommatrices ne sera pas évident. Le directeur financier de la multinationale aimerait bien ranger très vite cette "maladresse" au placard. Mais en période de crise,  la bourde amplifiée par les réseaux sociaux ne va pas faciliter les ventes. Dans certains pays comme en Italie, le groupe international table déjà sur une baisse de son chiffre d'affaire. C'est un coup dur car dans l'ensemble les publicitaires de la marque nordique avaient su la rendre sympathique à coups de spots décalés.






On peut dire qu'aujourd'hui si les responsables ne donnent pas un sérieux coup de vis à leur communication vers clientèle féminine, la pente risque aussi dure à remonter qu'un meuble IKEA.



Et pour ceux qui ne comprennent l'allusion, voici en guise de conclusion, pour meubler, la vision très personnelle d'un dimanche passé à Ikea par l'humoriste, Sellig. Cela déménage.


Sellig ikéa par gamisator