lundi 9 juillet 2012

Les POV, des points de vue riches et créatifs. Pas cons du tout.



"Cagoulé", le nouveau spot d'Amnesty international tranche sur les autres campagnes vidéos destinées à dénoncer l'utilisation de la  torture. Pas de sang, pas de violence, juste des bruits et des cris. Effroi garanti. Le téléspectateur est invité à se placer dans la peau d'une victime et à vivre la cruauté d'un enlèvement arbitraire. Pour rejeter et dénoncer ensuite publiquement ces atrocités à visage découvert. 



On appelle ce procédé, les POV, un acronyme de "Point of view". Certains parlent de caméras subjectives. Une technique de mise en scène de plus en plus utilisée en vidéo qui consiste à montrer à ce que voit et ressent un individu. Une tendance lourde prisée par les réalisateurs de pub, de clips ou de court métrage. Même les chaînes de télévision s'y mettent. Pour annoncer la retransmission du Grand Prix de Monaco a diffusé fin mai une bande annonce très remarquée outre Manche. Une BA qui retrace l'existence d'une jeune fan de F1 du berceau jusqu'à sa montée dans le baquet d'un bolide avant la plus prestigieuse compétition automobile de la planète. Son entrainement, ses amours, ses soirées, la vie d'un pilote en accéléré, vu de l'intérieur, cela déboite.



Le milieu musical toujours à l'affut de nouvelles idées a embrayé quand il a vu ce qui était possible de faire en caméra subjective. Le célèbre "Fuck you" de Lily Allen tourné dans les rues de Paris témoigne de cet engouement. Le grand tube de la rock star britannique a été visionné plus de 6 millions 500 000 fois sur les sites de partage. Un délire. Un délice.



Le plus souvent les POV sont tournés en mettant la caméra au niveau des yeux des protagonistes. Mais de manière plus large, certaines prises sont parfois faites en se mettant derrière l'épaule des personnages.  Leur utilisation accentue le processus d'identification. Et renforce l'approche psychologique.
Exemple type : un homme est pris de vertige, après avoir abusé de drogues ou d'alcool et  l'image se trouble. Il s'endort, le cadre se resserre comme si ses paupières se refermaient. Les scénaristes  américains de Collegehumour en raffolent. Ils ont même créé des séries avec des personnages récurrents sur ce concept. A l'image de ce sketch qui a été vu plus de 14 millions de fois.



Ou encore de ce petit court métrage inspiré des salles de musculations. Plutôt gonflé.



La plupart du temps, les POV sont employés pour de petites séquences. Mais certains réalisateurs y ont vu un procédé narratif intéressant. C'est ainsi qu'en 1946, Robert Montgomery, auteur de polars à succès, séduit par l'astuce a tourné "La Dame Du Lac" entièrement en caméra subjective. Toute l'histoire est suivie à travers les yeux du personnage principal. Le spectateur ne sait pas à quoi il ressemble. Il n'apparait jamais, à part sur le dernier plan, quand le héros se retrouve face à un miroir et dévoile pour la première fois son identité. Un scénario d'une efficacité redoutable.

 

Aujourd'hui, la technique qui avait été utilisé avec parcimonie dans de grands films comme lors de la première scène du Parrain en 1972 est reprise et s'impose car elle s'inscrit dans une écriture innovante, plus en phase avec les habitudes du public. De nombreux adolescents, "digital natives", ont été élevé avec un clavier en main. Et ont toujours baigné dans l'univers des jeux vidéos. A tel point que lorsqu'ils filment, leur imaginaire est encore marqué par les écrans de leurs playstations. Certains mélangent même ces mondes lorsqu'ils se rendent en salle de montage. La plus belle réussite du genre : une petite pépite intitulée "Future First Person Shooter" tournée avec un go pro puis montée avec Final cut et enrichie d'effets créés avec After effects. Mise en ligne en décembre 2010 par une bande de potes, leur création a dépassé les 23 millions de visites sur You tube. 



Sans aller jusqu'à de tels créations, les caméras sont de plus en plus miniaturisées et accessibles. Plus besoin d' être un fin technicien et de faire des prouesses. Les amateurs sont de plus en plus nombreux à se lancer et partager ce type de vidéos pour des fictions mais le plus souvent pour de petites séquences sportives. Le "moi je" devient alors un "moi, jeu". Un navigateur peut ainsi montrer à quoi ressemble le travail d'un équipier sur un bateau concourant au plus niveau lors des championnats du monde de voile 2010 en Espagne. A voir ces images, une seule conclusion : "à Valence, cela balance".



La technique du point de vue a été allègrement récupéré par l'industrie du porno, les cinéastes filmant leurs propres ébats. La majeure partie de ces films déconseillés aux mineurs se résument à des parties de jambes en l'air filmées en grand angle... et en automatique par les protagonistes. Jambes en l'air et bras en l'air puisque ces exhibitionnistes, le plus souvent des hommes, tiennent la caméra au-dessus de leur tête pendant que leur amies leur font des gâteries. La décence m'interdit de poster ces vidéos sexys. Et quite à s'envoyer à l'air et avoir un maximum d'adrénaline mieux vaut privilégier  le parachute.



Ou le ski en pleine mer comme Chuck Patterson, waterman si il en est, amoureux des vagues et de ski, pour qui les POV sont de riches témoignages pour inviter les internautes à surfer ailleurs que sur internet.