dimanche 30 décembre 2012

Qu'importe les flocons pourvu qu'on ait l'ivresse




Ils sont hexagonaux, carrés, ronds... Transparents, translucides. Mystérieux. Les flocons d'Andrew Osokin fascinent. Au début,  seuls les skieurs et les météorologues en parlaient. Mais depuis peu ses cristaux font boules de neige. Et les amateurs de photos se les envoient et se les renvoient sur le net.


"Snow" devant ! Le Moscovite est fou d' objectifs macros. Sur son compte flicker, on ne compte plus les gros plans d'insectes, de goutes, d'eau, de fleurs ou de feuilles. Mais émerveillé depuis sa plus tendre enfance par les beautés de l'hiver, les grandes étendues blanches, la lumière douce des fins de journées sibériennes, il a développé une passion pour les flocons de neige qu'il saisit posés sur le sol sous tous les angles avec ses deux Nikon D80 et D90. Deux boitiers aux capteurs très fins qu'il utilise avec des objectifs Nikkor 60 mn ou 90 mn parfaits pour réaliser des clichés de très près...



Comme Johannes Kepler ou René Descartes avant lui, Andrew Osokin peut passer des heures à regarder les formes géométriques des flocons qui virevoltent au vent. Les scientifiques ont répertorié près de 80 types de cristaux. Plats, étoilés, en colonnes... De loin, la plupart sont hexagonaux ou présentent des forment similaires, mais lorsqu'on y regarde de près comme nos empreintes digitales, au microscope, ils sont tous différents, aucun ne se ressemblent. 


Leur forme varient en fonction de l'humidité, de la température, du vent voire des champs électriques que les cristaux rencontrent entre le moment où se créent dans l'atmosphère et leur contact au sol. Ils naissent en altitude. Quand il fait froid, les molécules d'eau contenues dans les nuages gèlent autour de minuscules particules de poussières et donnent naissance à un cristal. Les premières constituent des noyaux sur lesquels viendront s'agréger les autres molécules d'eau en suspens. Et ce sont ces milliers de cristaux collés les uns aux autres qui forment un flocon. 



Leur apparence change en fonction de la température. Pour faire simple, entre 0 et - 3° Celsius, les cristaux s'agglutinent en fines plaques aplaties. Entre - 3° et - 10°, ils ressemblent à des aiguilles. Entre - 10 ° et - 22 °, ils prennent la forme d'étoiles et passé - 22 ° C, ils se présentent sous forme de colonnes.



Le premier a les avoir photographier est un fermier américain, Wilson Bentley en 1855. N'ayant pas froid aux yeux, il en a photographié près de 5000 avec un antique boitier en bois et il a eu la stupéfaction de n'en trouver aucun de d'identique.


Un phénomène magique qui s'explique par une bonne et unique raison. Il faut des milliards de molécules d'eau pour former un seul flocon. Sachant qu'elles se collent à chaque fois de manière différente et qu'en l'air ballottés par le vent et les mouvements des nuages, les cristaux s'associent  de façon aléatoire, le nombre de variations possibles est incommensurable. 


Les fondus de nivologie vous le diront, les différences de formes sont conditionnées par la température et l'humidité. Entre 0 et -3°, les cotés poussent plus vite que la hauteur, les cristaux s'étalent et ressemblent à des plaques. Entre -3 et - 10°, ce phénomène s'inverse, la hauteur croit plus vite que la largeur ce qui donne des tubes. Après tout est question d'humidité, si la teneur en vapeur d'eau est importante dans l'air, plus il y a de molécules d'eau potentielles pour constituer les branches des flocons.

   

Autant paramètres auxquels il faut ajouter la collision avec le sol  et sa chaleur. Sans oublier le vent qui peut briser les arrêtes des cristaux. La neige n'est pas un matériau inerte, elle ne cesse de se transformer sous l'action de son propre poids qui la tasse et des variations de température entre le jour et la nuit. Chaque flocon est à différent et c'est ce qui fait son charme. Sa beauté est unique et éphémère. Un bonheur pour celui qui sait l'observer. Une apparition magique qui pour peu que le sol soit chaud ou qu'une main s'en saisisse ne durera que quelques secondes.


L'étude de la neige relève de la science. Sa connaissance de l'art. Un savoir qui peut être précieux et qui peut sauver des vies. En montagne, les pisteurs secouristes redoutent le vent qui brise les cristaux. Pas forcément pour des raisons esthétiques. Sans branche, les flocons se transforment alors à des billes prêtes à rouler les unes sur les autres. Si il n'y a pas  de redoux et de phénomène de fonte pour souder les couches de neige entre elles, les plaques supérieures manquant de cohésion peuvent à tout moment se casser sous le poids des skieurs et se mettre à glisser emportant les malheureux. Beaux et redoutables à la fois, les flocons intriguent et hypnotisent ceux qui les étudient en espérant percer leurs mystères. Une vie n'y suffit pas.


Lorsqu'en janvier 1855, Bentley,"le snowflake man", a photographié pour la première fois des cristaux, il a noté ses  impressions. "Sous le microscope, j'ai découvert que les flocons étaient d'une beauté miraculaire. Et cela serait dommage que toute cette splendeur ne soit pas appréciée par d'autres. Chaque  flocon est un joyau, un chef d'oeuvre unique. Un dessin qui ne se reproduira plus. Et quand il se mêle aux autres, il disparaît pour toujours. Sa beauté éphémère s'évapore quand il fond, s'envole et si on ne le fixe pas par l'image, sa trace s'efface à jamais. " Plus de 160 ans plus tard, sur un tout autre continent, un jeune photographe russe prolonge aujourd'hui  son travail. Sans peut-être même le savoir. 


Plus d'un siècle et demi sépare les deux hommes. Le matériel n'est plus le même, le premier employait un microscope, l'autre des objectifs photos modernes, l'un se voulait scientifique, quand le second revendique une approche plus graphique si ce n'est esthétique. Mais les deux artistes ont le même désir de révéler ces beautés méconnues des passants qui ne prennent pas le temps d'observer les perles que la nature leur propose. La même envie de faire découvrir ces merveilles éphémères et de partager avec le plus grand nombre leur émotion devant tant de beautés. C'est pourquoi leur démarche est captivante et réchauffe le coeur. 











samedi 15 décembre 2012

Must sea : la beauté des grands fonds en vidéo






















"Must sea", une vidéo à voir.  Une petite création sur  la beauté des océans. L'ambiance et les émotions des grands fonds. Un condensé merveilles de la mer en trois minutes... Des souvenirs d' été avec des images prises en Egypte, en Espagne ou en France. Un montage maison avec Final Cut Pro X. Un clip sur "The sea is calm", un titre envoutant de Coco Rosie. Pour une fois, les petits poids sont pas rouges ou verts mais multicolores.



Le monde du silence est télégénique. Une vague de vidéos marines inonde le web.  Une des plus réussies montre la force des rouleaux, la puissance de la houle. Un spectacle grandiose filmé en HD avec ce qui se fait de mieux en termes de caméras, la Phantom Gold qui peut saisir mille images par seconde. Les gouttes montées en gros plan en ralenti. Sous tous les angles. De quoi combler les amoureux de la grande bleue... Les surfeurs et autres kite-surfeurs qui glissent jusqu'à plus soif. Brillant. Plutôt Chris Bryan, au sommet de son art. 



Coté plongeur, du moins apnéistes, la vidéo de référence est Free fall, un film culte où l'on voit Guillaume Nery plonger sans fin vers les abysses aux Bahamas. Suivi comme un base jumper prêt à sauter du haut d'un immeuble, on voit le champion s'enfoncer sans un geste vers les profondeurs, le grand bleu. Le recordman du monde, capable de rester sans reprendre sa respiration, plus de 7 minutes descend sans faire un mouvement dans les entrailles du gouffre Dean Blue Hole. Une séquence petite fiction tournée au 5 D mark II par Julie Gautier. A couper le souffle. 13 millions de vues. Une création qui mérite la palme d'or.



En ce mois de décembre 2012, une autre vidéo de Guillaume Nery fait le buzz. "Abysse", un film tourné près de Nice par Maxime Bruneel pour Amnesty International. Une campagne imaginée par l'agence La chose. Un homme les mains attachés dans le dos coule. Il s'enfonce. Seul. Oublié. Une dizaine de personnes inconnues alors qu'il perd espoir, dénoue la corde et le sauve. Un scénario symbolique pour inviter les internautes à signer des pétitions en ligne pour faire libérer des détenus, emprisonnés abusivement.  Des images rendues possibles grâce au savoir faire de Guillame Nery et ses amis, tous apnéistes confirmés qui se sont dévoués pour soutenir "Le Marathon des signatures". Des séquences sous marines qui donne des envies d'évasion.



Autre bouffée d'oxygène. Les deux épisodes de The Children et l'Océan qui montrent comment des enfants très jeunes et bien encadrés par leur père découvre les splendeurs des grands fonds. Les raies, les baleines à bosses ou les requins... A 2 ans et demi, pour le plus jeune, ils jouent au milieu des bancs de poissons tropicaux. Rodolphe Holler, biologiste et moniteur de plongée, est un passionné. Cet ancien dresseur de dauphin et photographe organise des expédions près de Tahiti avec son épouse Christelle. La Polynésie, une eau claire, une faune riche, extrêmement diverses. Le paradis à moins de deux mètres.








samedi 24 novembre 2012

Quand les bouches de métro parlent. "The last book", une série de photos originale de Reiner Gerritsen

Paris photo 2012 sous la verrière du Grand Palais. Photo : Jean-Marc Paillous


Paris photo, c'est Le salon de la photo à Paris. Des dizaines de stands alignés contre les uns, avec des photos plus belles les unes que les autres. Une ballade de plusieurs heures avec ce qui se fait de mieux chez les galeristes. Des clichés historiques, des œuvres d'artistes renommés à profusion. Et tout à coup, une surprise. Une série qui sort du lot et qui interpelle le visiteur. Un flash... Au bout d'une allée.
Le stand de la galerie Julie Saul au salon Paris Photo 2012. Photo : Jean-Marc Paillous


Reiner Gerritsen. Plusieurs clichés grand format montrant des voyageurs en train de lire dans le métro. 
Une série forte qui sort du train train. 


"The last book". Un projet qui regroupe des photos prises pendant cinq ans en France,  en Angleterre et aux Etats-Unis. Un travail au long court sur des lecteurs saisis au hasard dans les plus grandes métropoles. Un témoignage sur les derniers des Mohicans à un moment où la lecture se fait de plus en plus rare et où les tablettes numériques, les smartphones remplacent peu à peu le contact avec le papier.



En tout, 500 photos portant le nom du livre photographié. Un cliché et un texte tiré de l'ouvrage en question. Quelques lignes qui donnent un aperçu du contenu de l'essai ou du roman. Pèle mêle, côte-à- côte, de la science fiction, des textes religieux, des romances à l'eau de rose.   

Là où certains rament dans le métro, d'autres, complètement absorbés par la lecture, s'évadent. Cette série témoigne d'un amour pour l'imprimé, d'une passion pour le coté sensuel d'un velin qui glisse sous les doigts ou le bruit d'une page qui se tourne. "Le temps de lire est toujours du temps volé, écrivait Pennac, et c'est sans doute la raison pour laquelle, le métro se trouve être la plus grand bibliothèque du monde".

Si la quête de l'artiste hollandais a tant frappé les visiteurs de ce salon qui réunissait nombre de créateurs réputés, c'est que son travail n'a rien à voir avec ceux de ses confrères. Chez lui, peu de glamour, peu  de spectaculaire. Le métro est un univers quotidien très peu photographié et que l'on redécouvre avec des yeux neufs.




L'artiste dévoile la beauté de ce que l'on cotoie tous les jours et l'on oublie. A l'image Jean Cocteau qui pensait que le poète "montre nues, sous une lumière qui secoue la torpeur, les choses surprenantes qui nous environnent et que nos sens enregistraient machinalement", le photographe nous montre la richesse des rencontres que l'on peut faire dans les wagons. Une mine de scènes insolites, amusantes, touchantes.


Les images retenues par la galerie Julie Saul frappent par la qualité de leurs tirages et le subtil équilibre entre les parties nettes et floues. Si certains des éléments de décor ( les sièges, les barres) sont peu mis en avant, la plupart des portraits sont extrêmement nets. Les personnages en arrière plan délaissés d'habitude prennent là une importance étonnante et attirent le regard. Sur certains clichés, on repère une mère de famille qui sourit à son enfant, sur d'autres une jeune fille perdue dans ses rêves ou un sportif qui baille. Et c'est la juxtaposition de tous ces focus qui rend ces tableaux si intéressants. Les visiteurs peuvent passer des heures à relever des détails et en découvrir d'autres.

Un tour de force qui ne doit rien au hasard. Reiner Gerritson prend avec son appareil  plusieurs clichés de chaque scène en faisant le point sur des parties différentes. Des photos qu'il juxtapose une fois chez lui grâce à Photoshop en faisant ressortir les passagers qui l'ont intrigué. Des voyageurs qui par leur expression tantôt lasse, tantôt désinvolte, racontent des histoires. Devant leurs tenues, leurs attitudes, chacun peut à loisir imaginer leurs vies à l'extérieur du wagon. 




Peu de lieu concentrent autant des personnes aussi diverses que le métro. On y croise des cadres, des ouvriers, des chômeurs, des hommes d'affaires, des étudiants, des artistes, des hommes, des femmes, des enfants, des jeunes, des vieux, des juges comme des repris de justice. Certains présentent des points communs, d'autres ne se rencontreront plus jamais. Tous vivent des histoires singulières et ont un destin particulier. Marcel Jouhandeau disait "Si je perdais ma bibliothèque, jaurais toujours le métro et l'autobus. Un billet le matin, un billet  le soir et je lirais les visages." Avoir l'oeuvre de Reiner Gerritsen, ses propos sont encore d'actualité.


Et de la même façon qu'un touriste s'installe dans un bar et essaye de deviner la vie des clients assis en terrasse, les voyageurs peuvent laisser aller leur imagination. Et en fonction du titre des livres que lisent leurs vis-à-vis, ils peuvent tenter à la manière de Sherlock Holmes de percer la psychologie de leurs voisins. Dis moi ce que tu lis et je te dirais qui tu es. Un petit jeu qui d'après Gerritsen devrait disparaître en 2016 avec la généralisation des ipad et autres iphones. Mais un plaisir que d'autres avec humour s'attache à préserver.



Reiner Gerritsen n'en est pas à son premier essai. Le Néerlandais est un familier du métro. En 2009, une première série intitulée "Wall Street stop"l'avait déjà mis mis sur des rails. Juste après le début de la crise financière, il avait photographié des New-Yorkais se rendant au travail entre la station Grand Central et celle de Wall Street. Un bon moyen pour voir comment était perçue la crise par ceux qui placé au coeur du système bancaire tiraient les ficelles de la finance. Un idée originale et un excellent révélateur de l'ambiance dans le Saint des Saints. 

Pour ce projet, pas de longs textes, simplement des chiffres, l'heure des trains empruntés. De l'aube au début de la nuit. A chaque heure, son public.



La plupart du temps,  il y avait une frénésie : les traders sortaient leurs ordinateurs et les stations de métro se transformaient en station de travail.


Signe de temps : sur les visages, très peu de sourires juste de  la lassitude voire de l'inquiétude. De la fatigue, de la tristesse ou du désespoir. "C'était déprimant, le climat était lourd. C'étaient les derniers jours du mandant de Georges Bush et la crise couvait. Une période très dure pour les Américains, et cela se voyait très bien." a confié après coup Reiner Gerritsen. Parmi les soutiers de l'industrie bancaire, il a  saisit la détresse de tous ceux qui peinaient à entrevoir la fin du tunnel. Il a observé ceux qui restaient à quai, ceux dont l'existence déraillaient pendant que les pontes en surface continuaient à engranger des bénéfices. 



Il y a ceux qui partent fringants, tapotant sur leurs téléphones portables ou lisant le journal et  celles qui élèvent leurs chaussures après une journée harassante... Une galerie de portraits qui en dit long sur la manière dont on percevait Outre-Atlantique cette période agitée avec des faillites en cascade. Le recueil  publié en 2010 par Hatje Cantz peut être feuilleté aussi bien comme une enquête sociologique qu'un témoignage historique. 


Cette expérience a tellement transporté le quinquagénaire qu'il l'a rreproduite à l'autre bout du monde. Et tout particulièrement en Chine.



Autre pays, autres moeurs, en mars dernier, le photographe a été stupéfait de voir un grand nombre de passagers se couvrir la bouche avec un masque. A tel point qu' il a pris de très nombreux clichés de travailleurs allant au boulot le visage recouvert par ces étranges bouts de papier aseptisés. Au début, le reporter pensait les vendre  pour illustrer le problème de la pollution en Chine. Jusqu'au moment où il a appris que lorsque les habitants étaient malades, ceux-ci redoublaient de précautions pour éviter de communiquer leurs microbes à leurs voisins. Et que loin d'être un signe de méfiance, il s'agissait là d'une manifestation de respect et de civisme. Comme quoi l'observation de ces images peuvent être riches d'enseignements et les couloirs souterrains de formidables lieux de correspondance entre habitants de pays différents.

Pour beaucoup , comme dirait Zazie, le métro, cela pue. C'est du temps de perdu. Surtout quand il ne fonctionne pas, ce qui est fréquent. Mais pas pour tout le monde. Gerritsen lui y lit beaucoup plus que ce que l'on veut bien y voir. Si on y prête attention, les bouches de métro nous parlent parfois plus qu'on veut le croire.

dimanche 11 novembre 2012

La crème catalane, les meilleures vidéos sur Barcelone

La fontaine magique . Un son et lumière magnifique. Un feu d'artifice aquatique. Photo : Jean-Marc Paillous

L'hiver s'annonce. Pour vous réchauffer un peu, rien de mieux qu'une petite virée en Espagne. "With love from Barcelona", ma dernière vidéo. Une ballade colorée et festive dans les rues de cette ville riche et belle qui sait vivre et qui dort peu, très peu. "La vida loca" entre la Sagrada Familia, la fontaine magique, la plage de la Barceloneta, la colline de Montjuich, le marché de la Boqueria, bref la crème catalane. A déguster sans modération. 



Des images prises avec un petit appareil de poche Canon et une GO Pro puis montées avec Final Cut Pro X pour rendre compte  de l'ambiance particulière qui y règne l'été entre les grands concerts et les matchs de gala. Barcelone, ce sont une architecture fabuleuse, des musées incroyables mais aussi des traditions vivaces comme les Castells, ces fameuses pyramides humaines qui montent jusqu' à plus de mètres de haut ou la sardane, une danse typique que l'on retrouve dans les villages des deux cotés des Pyrénées.


La tour construite par Jean Nouvel : Torre Agbar. Photo : Jean-Marc Paillous

Ce petit film rythmé est un condensé de plusieurs jours de déambulation.  Une semaine à goûter, admirer, écouter, à faire du sport, danser, s'amuser comme lors du grand concert anniversaire des Beach Boys, le match de Team USA en préparation avant les JO de Londres et les fameuses soirées branchées de l'hôtel W. 

Les vitraux de la Sagrada familia. Photo : Jean-Marc Paillous
Barcelone offre un décor de rêve à ceux qui veulent filmer ou prendre des photos. Woody Allen, lui même, s' est laissé prendre à son charme. La cité présente des paysages variés, un littoral ensoleillé avec des monts en arrière plan, des collines qui sont des promontoires rêvés pour avoir des plans d'ensemble, des bâtiments tantôt baroques à l'image des réalisations d'Antonio Gaudi, tantôt traditionnels avec ses cloîtres frais qui donnent sur des jardins cachés. Vivante, elle se prête à merveille à la prise et aux mises en scène. On sait y vivre, manger, boire, danser, faire la fête. 
Le marché proche des grands boulevards historiques de Barcelone, la Boqueria. Photo : Jean-Marc Paillous
Ce cadre presqu'idéal ensolleillé, avec un climat parfait a donné lieu à de multiples vidéos sur internet. Il y a les habituels "city guides" calqués sur les émissions de voyage avec un présentateur qui se met en situation face à la caméra et donne quelques infos sur l'histoire des monuments  en picorant quelques tapas ici ou là. Provenant souvent de chaînes de télé sans réelle originalité, peu sont réellement  innovantes sur la forme. 

Les rues des quartiers historiques de Barcelone. Photo : Jean-Marc Paillous
Délivrés des carcans du format et l'audimat, les réalisateurs dont on peut voir les pépites sur le web font preuve de beaucoup plus de créativité ou de style. 
Principal point commun de ces créations, elles n'ont pas de commentaires. En grande partie parce que ce sont des auteurs qui viennent de l'image et non de l'écriture. Mais surtout pour pouvoir toucher un large public catalan, espagnol, russe, anglais, américain, australien. 
Du coup, beaucoup proposent des mots stylisés en surimpression, qui ne gênent pas trop la réception pour ceux qui ne saisissent pas là langue mais donne des renseignements et des éléments de compréhension. 

 B


La vidéo la plus réussie à mon goût est celle d'Albin Holmqvist, un designer et directeur artistique de Stockholm, un graphiste talentueux qui a créé une petite perle avec de très belles images, des typos créées spécialement pour ce film et l'utilisation de filtres qui sublime la lumière du Sud.  Un petit bijou si classe qu'il m' a donné envie de me rendre sur place pour les vacances alors qu'au départ ce film était une commande d'une institution spécialisée dans l'apprentissage de langues étrangères. 
Les autres auteurs ont respecté à peu près le même format, environ trois minutes. La technique la plus utilisée est celle du time lapse qui permet de donner du mouvement en  montrant la vie en accéléré de la cité.



Le travail sur le temps est une ficelle la plus utilisée. A l'image du court métrage d'Alizée Lafon, une jeune  artiste francilienne dans le vent, formée, elle aussi, à l'école du design et du graphisme, certains jouent sur le ralenti. Un procédé artistique payant à mes yeux quand il est mixé avec des accélérés. 



Le plus abouti de ces "city guide" est la visite en 3 D de la métropole. "A virtual tour of Barcelona" donne un aperçu parfait du paysage catalan et distille des indications sur les monuments présentés. La ville a été recréé partir des images Google. Nouvelle écriture avec une grande variété des points de vue. Et des mouvements de caméras impossibles avec un appareil classique avec des  accélérés et des stops. Mieux qu'un survol en hélicoptère ou un travelling en voiture sur les ramblas. 



Les plus tendances sont celles qui font le tour des monuments en employant une discipline originale (la musique, la peinture, la danse...), un sport comme le VTT, le roller, le skate. Un moyen de transport qui permet d'aller d'une place à un autre de la montrer tout en maintenant l'attention avec de l'action. Et il n' y a pas pas à dire, un film de skate cela roule toujours. Moins culturel qu'un reportage bavard, mais bien plus payant pour capter les regards des internautes. Sans oublier que s'éclater avec des amis est un plaisir et un excellent moyen pour faire des rencontres.



Les idées de films stylisés ne manquent pas.  Alors à vous de jouer. Bon voyage ! Bonnes vidéos et Buen viaje !

La gare ferroviaire de Barcelone. Photo : Jean-Marc Paillous

lundi 15 octobre 2012

Félix Baumgartner, l'homme qui tombe à pic : l'étoffe du héros



Incroyable. Félix Baumgartner a réussi dimanche 14 octobre un authentique exploit. Il réalisé le rêve de tout homme : voler sans aucune aide. Et pulvérisé tous les records de chute libre.
S'élancer en parachute d'une hauteur de 39 km d'altitude alors que la majorité des sauts se font autour de 4000 mètres, descendre à plus de 1100 km/heure, dépasser la vitesse du son et tomber pendant plus de 4 m 19 sec en chute libre vers le sol. Le saut que le sportif autrichien vient de réaliser, très peu de personnes l'auraient tenté, et encore moins l'aurait réussi.




Au niveau sensations, difficile de faire plus grand.  Ouvrir la fenêtre de la capsule et découvrir la planète ronde bleue auréolée d'un halo de lumière.



Se tenir ensuite debout en dehors de la nacelle à 40 000 mètres de hauteur au dessus de la terre et se décider à plonger.


Chuter pendant plusieurs minutes en se sentant accélérer droit vers la Terre en la voyant grossir au fur er à mesure.


Chuter  à près de 1000 km heure soit trois fois la vitesse d'un TGV sans aucune autre protection qu'un scaphandre. 




Partir en vrille et arriver à contrôler comme un chef sans perdre son sang froid. 



Et se poser grande classe comme une plume comme si rien n'était en marchant. Le pied absolu pour tout amateur de vitesse !



Le rêve... Mais un plaisir qui pour tout un chacun restera au stade du fantasme. Car sauter dans l'inconnu, juste pour avoir la sensation de glisse ultime en prenant le risque de jouer sa vie demande une confiance extraordinaire. Et témoigne d'une maîtrise énorme... Chapeau bas ! C'est la Big Wave, puissance 10 !



Il est possible qu'entre la poussée final du rebord de la nacelle à l'atterrissage, le parachutiste, concentré qu'il était, n'ait eu que très peu d'instants pour apprécier. Mais pour tous ceux qui l'ont suivi en direct sur le net, c'était un très grand moment d'émotion. Pendant près deux heures, 35 caméras ont filmé l'ascension puis la chute de Félix Baumgartner. Grace au live du site Red Bull Stratos et au signal international relayé par Youtube, Zapiks, Gentside et tant d'autres, plus de dix millions de spectateurs ont vécu cette aventure comme si ils étaient dans la salle de contrôle à coté des ingénieurs, s'émerveillant quand le hublot s'est ouvert et croisant les doigts quand le minuscule point blanc qui descendait de manière irréelle s'est mis à tourner, tourner, sans qu'on sache quand cette spirale infernale allait s'arrêter.  Les caméras embarquées par le héros du jour dont les images ont été montées par la suite rendent bien le coté jouissif d'un tel vol. Le spectacle était tellement hallucinant, qu'il y a 2000 tweets par seconde pendant toute la durée du saut. La vidéo du saut où on le voit brinquebalé à droite à gauche  a été vue par plus de 5 millions de fois dans les 24 heures qui ont suivi.



 Quelle réalisation. Un long panoramique vertical sans son pour voir de très loin le corps de l'Autrichien partir dans tous les sens,  plan large sans son sur les opérateurs au visages déconfits, gros plan sur la mère au bord de l'asphyxie... Puis retour dans le ciel pile poil au moment où le contact radio reprend. "Roger", "Roger ". Et là joie du staff qui respire à nouveau avant d'applaudir à tout rompre. Un scénario irréel digne des grosses productions hollywoodiennes.


Sacrée soirée. Entre 20 h 08, heure où le parachutiste a fait un bref salut militaire les doigts tendus  avant de basculer vers le vide et 20 h 17 quand ce vainqueur de l'impossible s'est mis à genou les bras en l'air, les observateurs ont cru suivre admiratif d'un héros un dessin animé. Les plus anciens ont revécu les scènes de joie de leur enfance lorsque Youri Gargarine a fait le premier  tour du monde en apesanteur ou quand Neil Armstrong a posé le pied sur le sol avec la même incrédulité. C'était inimaginable et pourtant un homme l'a fait.


Un homme mais un homme hors norme. Un sportif accompli au mental de fer puisqu'il a avoué quelques heures plus tard, qu'il ne voyait quasiment plus rien mais qu'il continuait à parler pour rassurer son staff. Un des meilleurs parachutistes vivants aussi forts en chute libre qu'en base jump. Son plus grand exploit en date : un vol de 22 kilomètres au dessus de la Manche sans moteur seulement équipé d'ailes en carbone spécialement construite pour l'occasion. Largué à 10 kilomètres par un petit avion au-dessus de la ville de Douvres, il est arrivé à Calais, à 35 kilomètres de distance... Après six minutes de vol à plus de 350 kilomètres / heure. Adrénaline garantie. Et à l'époque, en 2003, il avait montré qu'il n'avait pas seulement l'étoffe d'un héros mais aussi celle d'un chef d'équipe capable de trouver un gros sponsor pour l'épauler et de fédérer une bande d' ingénieurs pour le suivre dans ses délires.





Il avait alors fait ses preuves montrant sa capacité à trouver un sponsor, déjà Red Bull et porter sur ses épaules un gros projet. Malgré son tatouage "Born to fly" sur l'avant bras droit et son allure de Top Gun un brin tête brulée, chez lui, il n'y a rien d'impulsif, tout est une question de préparation. Il ne laisse aucune place au doute et déteste qu'on le décrive comme un amateur de sensations fortes, un drogué de l'adrénaline. Comme dans tout sport de glisse, un bon rider est un rider vivant et si le casse-cou est encore là après tant de premières, c'est qu'il sait écouter, s'entourer et se préparer de manière unique. Le récit du saut du 14 octobre témoigne de son souci du détail qui tue puisque finalement c'est son parachute de secours qui s'est ouvert automatiquement qui a permis de rallier le dessert américain.



Faire le portrait de Felix Baumgartner, c'est raconter l'histoire d'un homme supersonique qui a moins de 45 ans est devenu une légende vivante. "Fearless Felix"  a toujours été attiré par le vide. Dès son plus âge, le natif de Salzbourg, qui va désormais faire de l'ombre à Mozart, rêvait de contempler le monde du ciel.  "J'ai toujours eu envie de liberté et toujours voulu voir le monde d'en haut. Tout petit, je grimpais déjà aux arbres, j'ai toujours voulu voler" confiait il récemment. Résultat, le petit prodige réalise son premier saut à 16 ans. Puis rejoint très tôt l'armée autrichienne pour se perfectionner dans les forces spéciales et s'entraîner au sein de l'équipe militaire autrichienne de démonstration. Un an à peine tant l'aventurier se sentait à l'étroit dans le moule militaire, lui, l'albatros aux ailes de géant.  Qu' à cela ne tienne, il remportera à 28 ans aux Etats-Unis le titre en 1990 de champion du monde de base jump, une discipline grisante qui consiste à se jeter d'un pont, d'un immeuble ou d'une falaise pour faire de la chute libre sans avion en dépliant son parachute au dernier moment.



"Start the cameras and your guardian angel will take care of you" restera comme une des phrases clés de la mission. Mais "Felix the cat", celui qui arrive toujours à tomber sur ses pates, est aussi un grand homme de communication, cette belle gueule de baroudeur a rapidement compris qu'il fallait mettre les médias dans sa poche si il voulait vivre pleinement sa passion. Ce qui l' a aidé car en trouvant un mécène de poids, il a réussi à monter le projet dont  les spationautes français rêvaient depuis la fin des années 1980 et qui avait été mis en veilleuse par Jean-Pierre Chevènement, ministre de la défense à l'époque, pour des raisons d'économie.


En bon pro du marketing, il soigne ses apparitions et est passé maître dans l'art du story telling. C'est ainsi qu'en 2006 pour sauter de la plus célèbre tour  de Suède, la Turning Torso de Malmöe dont les toits étaient interdits au public et parfaitement sécurisés, il a imaginé une mise en scène que seul Ian Fleming aurait osé. Il a sauté une première fois d'un hélicoptère qui survolait la cité pour atterrir sur la terrasse supérieure avant de s'élancer à nouveau quelques secondes plus tard avec un second parachute et se poser une dernière fois 190 mètres plus bas à coté d'une moto qui l'amenait loin des lieux de son forfait. Un scénario digne de James Bond, filmé avec plusieurs caméras. 



La vie de Félix Baumgarter est parsemée d'exploits et de record, un des plus célèbres restant son saut en base jump depuis la main de la statue géante du Christ Rédempteur de Rio de Janeiro dont le bras ne se situe qu'à 30 metres du sol. Une chute très technique puisqu'il lui a fallu préparer très soigneusement son vol pour éviter de s'écraser et survoler la célèbre baie d'Ipanema. 30 mètres :  à peine la distance qu'il faut pour déclencher un parachute. (Un défi que n'aurait pas osé inventer Michel Haznavicius, le réalisateur d'"OSS 117 : Rio ne répond plus".)  Et là aussi toujours le même sens du spectacle avec une voiture pour évacuer l'aventurier avant que les forces de l'ordre ne vienne l'interpeller pour trouble à l'ordre public.



Jamais en manque d'imagination, cet homme de coup, ce show man est même venu en France pour une de ses nombreuses "performances". Et pas n'importe où : en Aveyron au nord de la région Midi-Pyrénées. En juin 2004, alors que tous les architectes se pâmaient devant les lignes fines  du Viaduc de Millau en construction et qu'un maximum de précaution avaient été mise pour empêcher le public d'accéder au chantier et empêcher les suicidaires d'approcher, l'Autrichien avait réussi à passer outre les barrières et se jeter du pont et finir 342 mètres plus bas le long de la rivière. Avec à la clé un double saut périlleux remarquable et remarqué avant de tirer sur la poignée. A l'époque les responsables de la sécurité avait déposé plainte contre X, X qui finira par être identifié quand le parachutiste renommé a mis en ligne ses photos. L'affaire s'est finalement réglée à l'amiable en juin 2011. Soit 7 ans plus tard. Un délai dont peut s'enorgueillir la justice française. Depuis de nombreux base jumpers ont renouvelé l'exploit mais Felix Baumgartner en sautant cinq mois avant l' inauguration officielle montrait déjà qu'il était bien en avance sur son temps.


Son intrépidité n'a pas de bornes. Sa curiosité non plus. Son plus beau fait d'armes, hormis son record de vitesse, est sans doute pour moi son saut dans la grotte du Salon des Esprits dans le sultanat d' Oman à l'extrême sud est de l'Arabie en 2007 sur le plateau de Selma. L'homme qui tombe à pic avait déjà sauté dans une caverne en Croatie à Muscat mais ce jour d'Avril la performance est énorme, sans échappatoire. 120 mètres de hauteur, une chute dans le noir et l'obligation de changer de direction dans la pénombre en évitant les parois qui forment comme un puits de lumière. La grotte est inclinée et le vol d'abord droit doit se faire ensuite à l'horizontale à l'aveugle avant d'atterrir. Un saut étrange pour lui qui a l'habitude de partir du ciel face l'horizon. Une long travail de préparation, un exercice de concentration costaud et une gestion du timing qui lui auront bien servi ce dimanche. 

.   

Celui qui restera comme le sportif de l'année n' a pas volé son succès.  Ses trois records explosés après une semaine d'attente en font un héros des temps modernes. Surtout que pour une fois, il le confiait en conférence de presse quelques heures après son saut, outre la beauté du geste, il a su associer à son aventure une équipe scientifique dont les travaux pourraient permettre de faire avancer la conquête spatiale. Aujourd'hui, il a redonné du rêve aux hommes. Et ce n'est pas un mince exploit. Un bel hommage à Frantz Reichelt, le père du base jump,  qui il y a juste 100 ans s'était jeté du premier étage de la tour Effeil avec la même foi mais pas la même réussite. 



A la télévision, à la radio, les médias ont été unanimes pour saluer la performance humaine et technique. Sur le web, de nombreux hommages comme d'habitude. Avec des parodies on le voit transformé en chat sauter par la porte de la capsule, allusion à son prénom.


Les humoristes ont très vite vu tout le potentiel comique de cette aventure. Le célèbre Conan O'Brien, star du petit écran outre-Atlantique s'est amusé à mettre en scène un autre record :le plus petit saut en parachute du monde. La sensation en caméra embarquée est saisissante.




D'autres sans doute Parisiens sont même allés jusqu'à inventer une nouvelle mission impossible à Félix : prendre le RER B aux heures de pointe. De l'humour second degré mais qui a fait sourire ceux qui suent dans les wagons franciliens.


Autre astuce de saison, de gros clins d'oeil  bien appuyés à la dégringolade du président François Hollande dans les sondages.Plus étonnants provenant non plus d'internautes mais de sociétés qui ont surfé très rapidement sur ce gros buzz avec des détournements publicitaires avec deux vidéos marquantes : une réplique du saut en Légo et une autre plus simpliste avec un papier de Kit Kat qui vole au vent.


La parodie la plus déjantée est sans contexte celle de MikkaRochia, un fantaisiste qui a rajouté la bande son des Bronzés font du ski et en particulier le passage où Jean-Claude Duss saute en pleine nuit du télésiège à l'arrêt. La synchronisation de l'image et du son et le décalage des situations fonctionnent même la juxtaposition est un peu tiré par les cheveux. Pourquoi pas Joyeux Noël, Félix ! Je vous laisse juge. Les fans de la troupe du Splendid apprécieront.


 L'hommage le plus spectaculaire est venu d'Asie : une superbe animation du site d'information en ligne taïwanais spécialiste des courts métrages animés, NMA.TV, qui a réalisé une superbe reconstruction en 3 D. Un "replay" magique haut en couleur et en reliefs.