samedi 19 novembre 2011

"In your arms" : le clip de l'année, un film en stop motion qui aura coûté bonbon




Un clip à déguster jusqu'au bout. On dit de certaines vidéos qu'elles coûtent bonbon. Celle de Kina Grannis en fait partie. Pas forcément pour son  prix mais pour ses décors. Plus de 280 000 Jelly Beans, l'équivalent  de  nos Dragibus ont été utilisés pour réaliser cette formidable animation haute en couleur. Chacun des tableaux d' "In Your arms" a été composé en disposant ces petites gourmandises rondes les unes à coté des autres.
Pour certains, il n' aura fallu que cinq minutes. Pour d'autres, plusieurs heures auront été nécessaires. Un chantier énorme avec plus de mille trois cent heures de travail en puisque, comme pour un dessin animé, les 2 400 images enregistrées ont été retouchées, juxtaposées et assemblées  à l'ordinateur. Un travail de fourmi pour une jolie cigale. Un projet très original dont on peut découvrir les coulisses dans ce délicieux making-of. Régalez vous.

 

Kina Grannis est une jeune chanteuse Californienne de 23 ans au parcours atypique. Sa mère est Japonaise et son père américain avec des origines très métissées, puisque parmi ses ascendants, on recense  aussi bien des Anglais, que des Français, des Hollandais ou des Allemands.
Elle s'est fait connaître du grand public en 2007 en remportant un des plus célèbres concours des Etats-Unis, "le Doritos' Crash The Super Bowl" contest qui récompense un des artistes les plus plébiscités sur la toile, et en interprétant une de ses chansons devant 97 millions de téléspectateurs.
Mais à la base, cette artiste est un parfait exemple de cette génération "digital native."Elle a effectué ses premiers grands concerts suite à une série de vidéos mis en ligne. Elle a été longtemps sans maison de disque et a toujours misé sur le net pour mettre en avant ses talents de guitariste et de compositrice. Greg Jardin aura ainsi mis 22 mois pour réaliser le clip d"In your arms" mais à l'arrivée, un incroyable buzz avec en trois semaines à peine plus de trois millions de vues.
Une curiosité qui s'explique par la technique employée par le jeune vidéaste, le stop motion. Un procédé original qui consiste à faire de petits films d'animation à partir d'objets inanimés. Le concept est simple, on filme une scène sans vie avec un réflex ou une caméra capable de ne prendre une seule image à la fois. Et entre chaque image, on chante un détail, on déplace un objet. Et lorsque le film est projeté, à une vitesse normale, la scène semble animée. Il faut juste que le cadre soit tout le temps identique et la lumière constante. Démonstration avec le photographe James Burger qui s'en est payé une bonne tranche avec son intro-duck-tion, un petit film autour d'un canard.

 


Le principe du "stop motion" est relativement aisé à comprendre. Il suffit "juste" de prendre une série d' images et de les lire en mode vidéo. Pour capter les scènes, un reflex suffit. Avec si possible, une commande à distance pour s'assurer que le cadre reste inchangé. Un petit mouvement en effet ferait tache à l'assemblage. Pas idéal pour rester "in the move".
L'utilisation d'un camescope télécommandable capable de prises de vues fixes est envisageable, mais l'idéal est d'utiliser un appareil photo numérique relié à un ordinateur par câble USb ou Fire Wire. Un PC qui permet de déclencher les prises de vues et de stocker les fichiers directement sur le disque dur. Sachant que pour 10 secondes de film, 250 images sont nécessaires, il est inutile d'utiliser une trop grande définition : elle sera souvent réduite lors de la convertion en vidéo. Un ordinateur qui sera bien utile pour transformer la collection d'images en fichier vidéo de type "avi" ou "mov", grâce à des logiciels comme Stopmotion pour les PC ou Framed pour Mac. Ou d'autres qui offrent la possibilité de corriger les couleurs, faire des incrustations ou rajouter des images.
Petite astuce :  si vous n'avez ni réflex ni logiciel approprié, quelques images prises avec une webcam et un coup de final cut et le tour est joué. A la portée de tout le monde, je vous dis...
Comme en dessin animé, on peut tout imaginer avec cette technique : les vidéastes peuvent donner vie à des clichés, des livres, des bouts de papiers, des figurines en pâte à modeler, des Playmobil et même des acteurs qui peuvent alors se mouvoir dans tous les sens. Une écriture qui rompt avec les réalisations ultra rythmées et aseptisées des clips que l'on voit sur les chaînes musicales à l'image de clip romantique à souhait d'Oren Lavie... Elle n' est pas belle, Lavie?  

Posté en 2009, le clip "Her Morning Elegance" a été vu en moins d'un an plus de 20 millions de fois. Une énorme réussite qui couronne la créativité d'un réalisateur inspiré qui a passé des semaines à préparer ses séquences, à storyboardé son film en animatic et à prendre les 2000 photos nécessaires à l'élaboration de sa vidéo. 48 heures de prises de vues.
Le stop motion est un procédé très lourd. Près de 30 personnes ont travaillé sur In Your Arms. Il apparaît parfois si contraignant que les artistes ont de plus en plus tendance à lui substituer les animations 3D au rendu plus lisse. Plus proche de la perfection en ce qui concerne la fluidité des mouvements mais plus froide aussi. Ce qui fait le charme du stop motion, c'est son côté "fait main" qui donne à ces clips une émotion et une poésie certaines. Le making of de ce film phénomène rend bien cette humanité. Un matelas, un seul cadre... Et un producteur qui n'avait pas envie de s'endormir sur ses lauriers.


L'histoire du stop motion est longue elle a plus d'un siècle. C'est Emile Cohl, un français qui en a eu l'idée. Ce dessinateur est aujourd'hui considéré comme le père du dessin animé. Et à juste titre puisque c'est lui qui a projeté en aout 1908 le premier film du genre sur pellicule au théâtre du Gymnase à Paris. Une oeuvre appelée "Fantasmagorie" et financée par la Gaumont. Il est le premier à avoir associé l'art du cinéma inventé par les frères Lumières en 1895 à celui des pantomimes lumineuses d'Emile Reynaud. Très prolifique, il a tourné entre 1908 et 1923 pour Pathé, Gaumon, Eclipse ou Lux près de trois cent films originaux avec des allumettes, des marionnettes ou du papier découpé. Seuls 68 d'entre eux nous sont parvenus : des petits bijoux. Son savoir-faire était tel qu'il a été invité pendant quatre ans aux Etats-Unis à Fort Lee de 1912 à 1914 pour superviser les films d'animation de la société Eclair. Allez spécialement pour vous le premier dessin animé avec en primeur à l'écran la main de son créateur, Emile Cohl. 1908. Séquence émotion. On s'y colle ?


Vous y prenez goût. Voici une autre merveille de la fin des années 1920. En 1929, le russe Ladislas Starevitch fait passer le stop motion dans une autre dimension avec son long métrage, le Roman de Renard. Une fiction avec des marionnettes de grande taille, habillées en velours, dentelles et  cuir. Tout y est la respiration, le mouvement des yeux, la voix... Avec un ton dramatique à souhait. Voilà la première minute du film avec des personnages incroyables qui sortent comme par enchantement d'un livre magique. Une perle puisque ce film, retrouvé par miracle, n' a été diffusé qu'en 1937 en Allemagne et en 1941 en France.



Ladislas Starevitch, passionné a quasiment tout fait lui-même : 18 mois de tournage, une aventure unique.  Il faudra quelques années encore pour que le stop motion ne se généralise et prenne auprès du grand public. Les spécialistes situent le tournant avec la sortie de King Kong du 1933. Un film événement qui mêle des scènes tournées en studio avec des comédiens réputés et des petits inserts avec des monstres animés. Et comme ce n'est pas à un vieux singe que l'on apprend à faire des grimaces, pour que vous puissiez vous rendre compte des améliorations, petit extrait sans plus attendre de ce chef d'oeuvre du 7 ème art.



Plus de cent ans de créations et une fraicheur toujours intacte. Alors, stop en encore pour le stop motion? Encore, serait-on tenté de dire. A moins qu'une motion ne s'y oppose, les spectateurs accueilleront  toujours les bras ouverts des pépites comme "In your Arms".
Alors pour finir, une dernière expérience en stop option, un petit résumé sur cette technique et son histoire en vidéo. Merci qui ? Le coeur net, le blog avec lequel on vit plus de haut que de bas...

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