lundi 28 novembre 2011

Des Go Pros qui photographient en rafale, la fin d'un mirage pour les surfeurs




Les caméras Go Pro surfent décidément sur le haut de la vague. Non, vous ne rêvez pas, ce n'est pas un mirage. Dans leur dernière pub pour la ligne de maillots de bain haut de gamme de Rip Curl, Tim et Callum Macmillan ont réussi "un bullet time" incroyable. Ils sont arrivés à figer des surfeurs en pleine action, et une fois pétrifiés en l'air, à les montrer sous toutes les coutures en effectuant un arc de cercle autour d'eux. Un effet magique qui s'obtient en principe difficilement en studio et qu'ils ont reproduit en pleine mer.
Il y a deux ans, les deux frères avaient créé la sensation en décomposant ainsi les mouvements de plusieurs champions dans une piscine à vagues. Avec cette série de petits films promotionnels, ils ont placé la barre encore plus haut. Ils se sont carrément jetés à l'eau, une eau chaude, rassurez-vous, au large des îles Fidji pour capter les évolutions de Mick Fanning, double champion du monde de la spécialité et de plusieurs de ses amis.



Le résultat est saisissant. On a l'impression que les surfeurs sont comme statufiés, que le temps s'est arrêté et qu'une caméra effectue une rotation autour d'eux.  Un peu comme si on avait affaire à un tableau animé ou si on pénétrait dans une photo. Pour montrer les sportifs sous tous les angles, les deux réalisateurs ont construit un grand rail sur lesquels ils ont fixé pas moins de 48 caméras Go Pro. 48 caméras ultra légères qu'ils ont reliées entre elles, synchronisées et qu'ils ont déclenché simultanément. Résultat, une série de 48 photos en haute définition. Et qui vues très rapidement les unes après les autres, à la manière d'un livre d'images pour enfant dont on fait défiler les pages avec le pouce, forment une petite séquence vidéo.


Cette prouesse provient d'un système créé spécialement pour la film de Half Moon Bay : le 3 D Hero. Une innovation qui permet à un réalisateur  de relier deux caméras à l'aide d'un câble. Elles sont ainsi « genlockées » ou synchronisées pour pouvoir matcher des vues prises depuis plusieurs caméras ou prendre des photos en 3D. A terre ce qui est assez courant mais aussi sur et sous l'eau, ce qui est plus que rare. Un petit kit qui offre la possibilité de relier un nombre presque illimité de caméras et les déclencher ensemble d'un seul clic. Les deux frères ont sauté sur l'occasion et monté un film qui mixe, et la photo et les vidéos. Les passages en bullet time s'intégrant à merveille aux petits films des deux producteurs de Timeslice.





Les clichés saisis au milieu des flots sont loin d'être vagues. Bien au contraire. Les images prises par en très haute définition donnent encore plus de force à cet effet Matrix. Les détails ressortent. Les gouttes très distinctes sont comme gelées. Un rendu idéal pour rendre compte des sensations qu'on a en chevauchant les rouleaux, avec les gerbes d'eau qui fuient dans le sillage, l'écume qui vient caresser le visage. Et une idée plutôt astucieuse pour un équipementier qui peut, ni vu ni connu, montrer ses shorts sous tous les angles, de profil comme de face.




D'habitude dans la photo sportive, les photographes prennent un objet un mouvement depuis un point fixe en mode rafale, avec cette expérience inédite, les choses sont inversées. L'objet ne bouge plus, c'est le point de vue qui se déplace. Dans ce cas là, on a 48 clichés pris à cinq centimètres de distance les uns des autres. Pour peu qu'on les enchaine à 25 images seconde, on a une impression de déplacement autour de l'objet. Et une vision complètement inédite. Alors que d'habitude, avec les vidéos de surf, l'action va si vite que l'on ne se rend pas compte des sensations sur l'eau et la maîtrise des athlètes. Là, on a tout le loisir de contempler leur performance.


Les clichés saisis au milieu des flots sont loin d'être vagues. Bien au contraire. Les images prises par en très haute définition donnent encore plus de force à cet effet Matrix. Les détails ressortent. Les gouttes très distinctes sont comme gelées. Un rendu idéal pour rendre compte des sensations qu'on a en chevauchant les rouleaux, avec les gerbes d'eau qui fuient dans le sillage, l'écume qui vient caresser le visage. Et une idée plutôt astucieuse pour un équipementier qui peut, ni vu ni connu, montrer ses shorts sous tous les angles, de profil comme de face.



Loin des studios, l'effet "bullet time" trouve ici une nouvelle dimension avec ces vues marines. Et pour une raison simple, comme dans ces courts métrages, ces séquences sont insérées dans un montage où l'on devine la difficulté du tournage, l'incertitude des prises de vues de sport où l'artiste doit être en phase avec son modèle et plus encore le côté aléatoire du shootings au milieu de l'océan déchaîné. Le fait de deviner le photographe balloté sur son jet ski ou tenant à bout de bras son rail au dessus des vagues ajoute une certaine humanité à ces films publicitaires qui sont souvent très propres. Ici, le fait de se jeter à l'eau, parfois de prendre la tasse, car surnager au milieu des rouleaux avec un tel appareillage au-dessus de la tête, permet d'être au plus de l'action et ressentir la force des tubes de Cloudbreak. C'est ce qui fait la magie et le charme de la caméra embarquée. Même manipulée par de grands pros, il y a une certaine jubilation à regarder ces films de glisse. Et une certaine jouissance à s'imaginer à l'eau avec les surfeurs, en plein Pacifique. Surtout quand ils s'appellent Owen Wright, Matt Wilkinson, Dillon Perillo et Dean Brady, grands maîtres de la discipline.









vendredi 25 novembre 2011

Un poke et des piques pour John Pike : Photoshop utilisé pour dénoncer un policier trop violent

  


Réactivité et créativité. La vidéo de l'évacuation musclée des activistes du mouvement Occupy Wall Street d'un campus californien est typique des nouvelles utilisations du web. De son intérêt, de ses richesses mais aussi de ses exagérations et ses dangers...
Il y a sept jours personne ne se souciait de John Pike, aujourd'hui le nom de ce policier est connu dans le monde entier... Cet agent est devenu en l'espace d'une semaine le flic le plus moqué et le plus haï des Etats-Unis. Le symbole d'une violence bête et disproportionnée. Et ce par la seule force de l'image. Plus exactement suite à la diffusion d'une vidéo prise à l'aide d'un téléphone portable.

















Vendredi 21 novembre, un petit groupe de militants se rassemble sur le campus de l'université de Davis. Ils défilent sans violence en hurlant des slogans anti capitalistes. Ils occupent les pelouses et perturbent gentiment le train train du campus. Rien de grave. Au bout de quelque temps, entourés par les forces de l'ordre, ils se lancent dans un "sit-in". Histoire de compliquer leur évacuation, ils s'assoient sur une pelouse au milieu des arbres les uns contre les autres. Rien de très classique. Sauf, quand à bout d'arguments, le lieutenant en charge de la sécurité se met à les asperger à coup de gaz lacrymogène. Le pandore se met nonchalamment, à les arroser à l'aide d'une bombe remplie d'extraits de poivre de Cayenne sensé irriter leurs muqueuses et les forcer à aller respirer ailleurs. Méticuleusement, sans se poser de question, il se met à un mètre des "indignés" et les gaze les uns après les autres en plein visage.
Alertés par les cris de "shame on you", certains étudiants se mettent à filmer la scène avec leurs tablettes ou leur smartphones sous différents angles et la diffusent aussitôt sur le web. Une d'entre elles, sera vue près de 3 millions de fois sur les sites de partage vidéo.





Deux jeunes ont été hospitalisés, huit autres ont du être soignée sur place. L'affaire de cette évacuation musclée aurait pu s'arrêter là. Et comme beaucoup de matraquages passé à l'as. Seulement la disproportion de la réponse policière, le peu de scrupule du lieutenant et surtout sa décontraction ont choqué les internautes.


















Les étudiants de l'université retrouvent une photo de l'agent de sécurité et dénichent sans difficulté son nom et ses coordonnées. De la bombe...



















Le groupe "The Anonymous" qui voit dans ce geste un symbole de la réponse brutale du "système"accepte de  prêter main forte aux étudiants indignés. Le collectif reprend la vidéo, l'habille à sa façon et  y mentionne son numéro de portable, son mail, son adresse. Résultat, en l'espace de quelques heures, John Pike qui croyait s'en tirer sans souci, à peine une petite remontrance, et qui pensait que l'affaire se dégonflerait, devient le flic le plus haï de Californie.



Les télés s'emparent de l'info et dépêchent leurs Poivre d'Arvor faire des plateaux en situation. Le représentant des forces de l'ordre leur répond qu'il se sentait menacé. D'autres vidéos sortent sur les plateformes les plus connues alors pour montrer qu'il n'en était rien. Et le voilà fustigé de plus belle pour son geste outrancier. La toile contre pouvoir et outil de transparence fonctionne à plein. The Washington Post a même parlé à propos de cette réaction rapide de la"culture de la vengeance non violente de l'Internet".



Mais le web  à aussi ses revers. Et on bascule facilement vers la chasse aux sorcières,  le lynchage public. Un message vidéo est ensuite mis en ligne  demandant aux personnes offusquées de passer un coup de fil à ses patrons pour faire part de leur indignation et réclamer son départ. Malgré la tentative de Youtube pour retirer ce film. Trop tard, à son domicile et à ses employeurs, les appels se font nombreux. Le lieutenant est harcelé. Entre autres blagues potaches, des pizzas sont  commandées et facturées en son nom.


Une autre facette plus sympathique de ce buzz est la récupération artistique de cette scène et son son héros. John Pike est devenu bien malgré lui une vedette et une icône.




















Depuis quelques jours, les as de Photoshop ont découpé la silhouette du policier au spray orange et replacé son profil dans des contextes qui n'ont rien à voir. Des images humoristiques qui gazent sur le net. Certains facétieux ont ainsi assimilé l'arme anti léthale du californien à une bombe de peinture. Et imaginer en train de train de corriger les plus grandes toiles de l'histoire. Cela va de Guernica où on le voit au coté de Dora Maar à la Liberté guidant le peuple de Delacroix  en passant par le Déjeuner sur l'herbe de Manet.













Dans un second temps, le lieutenant a été intégré à des clichés célèbres, de grands épisodes de l'histoire ou des photos anciennes. Les internautes l'on ainsi découvert ainsi au coté de Neil Armstrong  sur la lune ou en train de se balader sur un chantier de construction new-yorkais. nombreux sont ceux qui ont voulu une pique ou un Poke à Pike.












































































L'humour absurde est de mise dans ces retouches comme pour exorciser le malaise qu'il y' a voir un officier chargé d'assurer le calme outrepasser ses fonctions d'agent de sécurité.
Grâce au célèbre logiciel de retouches photo, voici le policier en train se s'en prendre à de délicieux héros de bandes dessinées. Un moyen de dénoncer l'utilisation peu appropriée de la violence face à des jeunes qui se voulaient plutôt pacifistes et pacifiques.

























Le gaz propulsé par la bombe étant composé à partir d'agents agressifs contenu dans le poivre de Cayenne, des ingrédients provoquant une fois inhalés toux et irritations, John Pike a été surnommé Pepper spray top. Et les créatifs ont été invité à poster leurs détournements sur le blog Pepersprayingcop.tumblr.com. Les idées originales sont nombreuses.
Plusieurs contributeurs a placé le héros involontaire dans des affiches de cinéma ou dans des scènes célèbres. Le transformant en une star de la toile.
































D'autres ont joué sur son surnom et ont fait le rapprochement avec le titre de la chanson des Beattles, Sergent Pepper, et insérer le profil de l'agent sur le passage piéton de la couverture de la pochette de l'album Abbey Road. Des images singulières qui ne manquent pas de sel et qui se sont répandues comme une trainée de poudre.









Le policier est accusé sur le web d'avoir recouru à la force pour venir à bout de l'expression légitime des "Indignés". Impensable dans un pays où le droit d'expression est érigé en principe constitutionnel et où le premier amendement est considéré comme inviolable. Pour beaucoup, le recours à cette nouvelle technique de dissuasion est injuste. Le dialogue est nié, la répartie impossible et du coup, les plus imaginatifs se sont inspirés de l'imagerie sportive et des grands  combats de boxe. Sans toujours mettre de gants. "Hippie, hippie, hooura"diront ces étudiants dont la démarche rappellent la contestation de la fin des années 60.



























Placé dans des dizaines de situations insolites voire totalement  improbables, le cliché du flic à la bombe au poivre a été repris à toutes les sauces. John Pike est devenu un "mème", un nouveau phénomène, typique de la culture 2.0. Un "même"pour faire simple, c'est une image ou une vidéo, qu'Internet s'approprie et qui devient un phénomène viral.  Une photo reprise en masse, retouchée, détournée, photoshopée à l'infini. Volontaire ou inventaire, c'est quand "même", le stade suprême de la gloire ou de la dérision.




samedi 19 novembre 2011

"In your arms" : le clip de l'année, un film en stop motion qui aura coûté bonbon




Un clip à déguster jusqu'au bout. On dit de certaines vidéos qu'elles coûtent bonbon. Celle de Kina Grannis en fait partie. Pas forcément pour son  prix mais pour ses décors. Plus de 280 000 Jelly Beans, l'équivalent  de  nos Dragibus ont été utilisés pour réaliser cette formidable animation haute en couleur. Chacun des tableaux d' "In Your arms" a été composé en disposant ces petites gourmandises rondes les unes à coté des autres.
Pour certains, il n' aura fallu que cinq minutes. Pour d'autres, plusieurs heures auront été nécessaires. Un chantier énorme avec plus de mille trois cent heures de travail en puisque, comme pour un dessin animé, les 2 400 images enregistrées ont été retouchées, juxtaposées et assemblées  à l'ordinateur. Un travail de fourmi pour une jolie cigale. Un projet très original dont on peut découvrir les coulisses dans ce délicieux making-of. Régalez vous.

 

Kina Grannis est une jeune chanteuse Californienne de 23 ans au parcours atypique. Sa mère est Japonaise et son père américain avec des origines très métissées, puisque parmi ses ascendants, on recense  aussi bien des Anglais, que des Français, des Hollandais ou des Allemands.
Elle s'est fait connaître du grand public en 2007 en remportant un des plus célèbres concours des Etats-Unis, "le Doritos' Crash The Super Bowl" contest qui récompense un des artistes les plus plébiscités sur la toile, et en interprétant une de ses chansons devant 97 millions de téléspectateurs.
Mais à la base, cette artiste est un parfait exemple de cette génération "digital native."Elle a effectué ses premiers grands concerts suite à une série de vidéos mis en ligne. Elle a été longtemps sans maison de disque et a toujours misé sur le net pour mettre en avant ses talents de guitariste et de compositrice. Greg Jardin aura ainsi mis 22 mois pour réaliser le clip d"In your arms" mais à l'arrivée, un incroyable buzz avec en trois semaines à peine plus de trois millions de vues.
Une curiosité qui s'explique par la technique employée par le jeune vidéaste, le stop motion. Un procédé original qui consiste à faire de petits films d'animation à partir d'objets inanimés. Le concept est simple, on filme une scène sans vie avec un réflex ou une caméra capable de ne prendre une seule image à la fois. Et entre chaque image, on chante un détail, on déplace un objet. Et lorsque le film est projeté, à une vitesse normale, la scène semble animée. Il faut juste que le cadre soit tout le temps identique et la lumière constante. Démonstration avec le photographe James Burger qui s'en est payé une bonne tranche avec son intro-duck-tion, un petit film autour d'un canard.

 


Le principe du "stop motion" est relativement aisé à comprendre. Il suffit "juste" de prendre une série d' images et de les lire en mode vidéo. Pour capter les scènes, un reflex suffit. Avec si possible, une commande à distance pour s'assurer que le cadre reste inchangé. Un petit mouvement en effet ferait tache à l'assemblage. Pas idéal pour rester "in the move".
L'utilisation d'un camescope télécommandable capable de prises de vues fixes est envisageable, mais l'idéal est d'utiliser un appareil photo numérique relié à un ordinateur par câble USb ou Fire Wire. Un PC qui permet de déclencher les prises de vues et de stocker les fichiers directement sur le disque dur. Sachant que pour 10 secondes de film, 250 images sont nécessaires, il est inutile d'utiliser une trop grande définition : elle sera souvent réduite lors de la convertion en vidéo. Un ordinateur qui sera bien utile pour transformer la collection d'images en fichier vidéo de type "avi" ou "mov", grâce à des logiciels comme Stopmotion pour les PC ou Framed pour Mac. Ou d'autres qui offrent la possibilité de corriger les couleurs, faire des incrustations ou rajouter des images.
Petite astuce :  si vous n'avez ni réflex ni logiciel approprié, quelques images prises avec une webcam et un coup de final cut et le tour est joué. A la portée de tout le monde, je vous dis...
Comme en dessin animé, on peut tout imaginer avec cette technique : les vidéastes peuvent donner vie à des clichés, des livres, des bouts de papiers, des figurines en pâte à modeler, des Playmobil et même des acteurs qui peuvent alors se mouvoir dans tous les sens. Une écriture qui rompt avec les réalisations ultra rythmées et aseptisées des clips que l'on voit sur les chaînes musicales à l'image de clip romantique à souhait d'Oren Lavie... Elle n' est pas belle, Lavie?  

Posté en 2009, le clip "Her Morning Elegance" a été vu en moins d'un an plus de 20 millions de fois. Une énorme réussite qui couronne la créativité d'un réalisateur inspiré qui a passé des semaines à préparer ses séquences, à storyboardé son film en animatic et à prendre les 2000 photos nécessaires à l'élaboration de sa vidéo. 48 heures de prises de vues.
Le stop motion est un procédé très lourd. Près de 30 personnes ont travaillé sur In Your Arms. Il apparaît parfois si contraignant que les artistes ont de plus en plus tendance à lui substituer les animations 3D au rendu plus lisse. Plus proche de la perfection en ce qui concerne la fluidité des mouvements mais plus froide aussi. Ce qui fait le charme du stop motion, c'est son côté "fait main" qui donne à ces clips une émotion et une poésie certaines. Le making of de ce film phénomène rend bien cette humanité. Un matelas, un seul cadre... Et un producteur qui n'avait pas envie de s'endormir sur ses lauriers.


L'histoire du stop motion est longue elle a plus d'un siècle. C'est Emile Cohl, un français qui en a eu l'idée. Ce dessinateur est aujourd'hui considéré comme le père du dessin animé. Et à juste titre puisque c'est lui qui a projeté en aout 1908 le premier film du genre sur pellicule au théâtre du Gymnase à Paris. Une oeuvre appelée "Fantasmagorie" et financée par la Gaumont. Il est le premier à avoir associé l'art du cinéma inventé par les frères Lumières en 1895 à celui des pantomimes lumineuses d'Emile Reynaud. Très prolifique, il a tourné entre 1908 et 1923 pour Pathé, Gaumon, Eclipse ou Lux près de trois cent films originaux avec des allumettes, des marionnettes ou du papier découpé. Seuls 68 d'entre eux nous sont parvenus : des petits bijoux. Son savoir-faire était tel qu'il a été invité pendant quatre ans aux Etats-Unis à Fort Lee de 1912 à 1914 pour superviser les films d'animation de la société Eclair. Allez spécialement pour vous le premier dessin animé avec en primeur à l'écran la main de son créateur, Emile Cohl. 1908. Séquence émotion. On s'y colle ?


Vous y prenez goût. Voici une autre merveille de la fin des années 1920. En 1929, le russe Ladislas Starevitch fait passer le stop motion dans une autre dimension avec son long métrage, le Roman de Renard. Une fiction avec des marionnettes de grande taille, habillées en velours, dentelles et  cuir. Tout y est la respiration, le mouvement des yeux, la voix... Avec un ton dramatique à souhait. Voilà la première minute du film avec des personnages incroyables qui sortent comme par enchantement d'un livre magique. Une perle puisque ce film, retrouvé par miracle, n' a été diffusé qu'en 1937 en Allemagne et en 1941 en France.



Ladislas Starevitch, passionné a quasiment tout fait lui-même : 18 mois de tournage, une aventure unique.  Il faudra quelques années encore pour que le stop motion ne se généralise et prenne auprès du grand public. Les spécialistes situent le tournant avec la sortie de King Kong du 1933. Un film événement qui mêle des scènes tournées en studio avec des comédiens réputés et des petits inserts avec des monstres animés. Et comme ce n'est pas à un vieux singe que l'on apprend à faire des grimaces, pour que vous puissiez vous rendre compte des améliorations, petit extrait sans plus attendre de ce chef d'oeuvre du 7 ème art.



Plus de cent ans de créations et une fraicheur toujours intacte. Alors, stop en encore pour le stop motion? Encore, serait-on tenté de dire. A moins qu'une motion ne s'y oppose, les spectateurs accueilleront  toujours les bras ouverts des pépites comme "In your Arms".
Alors pour finir, une dernière expérience en stop option, un petit résumé sur cette technique et son histoire en vidéo. Merci qui ? Le coeur net, le blog avec lequel on vit plus de haut que de bas...

dimanche 13 novembre 2011

Jehad Nga : un gars bien. Photo-reporter et artiste, nouveau roi du clair-obscur





Jehad Nga, retenez bien son nom. C' est la vedette de la dernière édition de Paris Photo. Le photographe américain d'origine lybienne a fait un gros buzz la semaine dernière au Grand Palais. Le travail du jeune reporter présenté par la galerie M + A a ébloui les visiteurs du salon. Il n' y avait qu'à observer la curiosité des passants auprès d'Alexandra Wetzel, la représentante de la galerie de Los Angeles, pour constater l'attrait de ses remarquables photos en clair obscur. Une confirmation pour ceux qui suivent de près le photo-reportage, une révélation pour les autres qui en ont fait leur coup de coeur. 




Jehad Nga est né dans le Kansas en 1976 avant de grandir à Tripoli et à Londres. Il a commencé à s’intéresser à la photographie pendant ses études de littérature à UCLA en 2001. Après plusieurs voyages en Asie du Sud-Est et au Moyen-Orient, le jeune homme a travaillé plusieurs mois dans l'humanitaire. Un travail pénible aux urgences médicales où il est frappé par la souffrance de ceux qu'il recueille. Reporter pour l'agence Magnum Photos, il devient correspondant du New York Times. Il suit l'avancée des forces américaines en Irak, se rend au Libéria et découvre un monde plein de bruit et de fureur. Passé ensuite à l'agence Corbis, il s'intéresse au cruel destin des populations de la Corne de l'Afrique. Il se rend en Somalie, au Kenya et en Ethiopie, des pays dont il revient avec deux séries riches en émotion intitulées Turkama and Shadowed by the Sun. Des clichés à mi-chemin entre la photo-reportage et l'essai artistique. 

Le succès des portraits de Jehad Nga viennent autant de la qualité des cadrages et de leur éclairage que de leur message. Les Turkanas est une tribue du nord-ouest du Kenya, une région chaude et aride située à l'Ouest du Lac Turkana. Une tribu de pasteurs menacée par la sécheresse et la famine. Une sécheresse qui fait mourir leurs chèvres, leurs bovins et une famine qui trouve peu d'échos auprès du gouvernement. Aucune aide ne leur parvient. Pour qu'il ne disparaissent pas en silence, le reporter a tenté d'attirer l'attention sur le sort de ces oubliés.



Au lieu de photographier les nomades dans la nature au milieu de leurs animaux, Jehad Nga a préféré les prendre sans artifice, sans arrière plan. Pour faire ressortir leur humanité, pour que leurs regards, leurs attitudes nous interpellent, l'artiste les a fait poser les uns après les autres dans une case sombre avec juste un éclairage pour fixer leurs traits. 




Résultat : des clair-obscurs qui mettent en avant les étoffes, les drapés de leurs tenues et des êtres dans la pénombre qui rappellent Le Caravage. Des taches de couleurs vives, jaunes, rouges, qui tranchent avec le noir profond. Des visages plein de vie qui contrastent avec le vide du décor. Comme pour témoigner de l' espérance qui subsiste malgré le drame et d'une dernière étincelle de vie. Une fragile, très fragile étincelle.  Par pudeur ou face à l' impuissance à rendre de manière classique la douleur des gens qu'il croisait, il a contourné le problème en trouvant son propre style à la manière des maîtres Polidoro da Caravaggio ou Rembrandt. Il a ressuscité le Chiaroscuro de la Renaissance avec une très grande maîtrise des contrastes : pas de dégradés mais  une opposition violente entre des noirs soutenus et des parties très colorées . 



L'urgence est là. Cette région de la Corne de l'Afrique en danger, Jehad Nga a choisi de montrer aussi clairement que possible les gens et les visages qui risquaient de disparaître à cause de cette catastrophe naturelle et surtout la confiscation des eaux de source par les programmes immobiliers du gouvernement. En choisissant de ne laisser apparaître aucune trace de leur environnement, le reporter a fait un acte esthétique. Ici, rien ne vient détourner le regard. Tout est fait pour que les lecteurs, les visiteurs des galeries soient attirés par ces clichés et que ces témoignages  soient largement diffusés. Plutôt que montrer le drame dans sa triste réalité, il a imaginé des cadrages originaux et forts. 


Comme Yann Arthus-Bertrand qui montre de beaux paysages pour alerter l'opinion sur la déforestation ou le réchauffement climatique, ou Sebastiao Salgado  qui a exposé de magnifiques tirages des pires scènes d'exploitation humaine, le photographe américain a opté pour une mise en scène dramatique. Et belle. Ce sont de véritables tableaux bien construits avec une lumière d'une grande finesse. Des portraits dignes de grands peintres italiens tantôt de profil tantôt de trois quarts. Il a composé ses photos en jouant sur les décadrages, sur les regards vers l'extérieur ou au contraire les face-à face. Il a joué sur la surprise des portraits de dos, les détails ( les bracelets, les colliers) et les accessoires ( un vélo ou un vêtement). Pareil à un peintre, il a fixé des scènettes, une main sur l'épaule, des doigts qui s'entremêlent. 


Ces images tranchent sur les images de la misère habituelle. Peut-on faire du beau avec la misère d'un peuple, de l'art avec le malheur de personnes qui voient leurs proches mourir et leurs tribus menacée? Pour Jehad Nga, la réponse est oui. L'objectif prime sur le débat. 


Le reporter au travers des commandes des journaux ou des travaux qu'il réalise pour des ONG rend compte de manière classique du drame, là il a tenté autre chose, une approche complémentaire pour alerter l'opinion. Il s'est inspiré de l'oeuvre de Bill Henson, l'un des principaux artistes contemporains d'Australie qui a pour habitude de faire des photos qui ressemblent à des tableaux. Sans le copier, il a gardé le côté théâtral de l'Australien qui met en scène des personnages sur fond noir, des silhouettes dramatiques dont il soigne les contours en jouant sur les éclairages.  Ombres et lumières. Bill Henson donne à voir des visages qui ressemblent à des piétas de la Renaissance, des modèles dénudés qui expriment la détresse. En faisant abstraction du contexte naturel, géographique, politique, des relations complexes qui sont en toile de fond de ce désastre humanitaire, l'Américain a fait ressortir des hommes et des femmes, une humanité en danger. 


Le succès de ces portraits provient de la couleur, des contrastes très forts. Ces deux séries Turkana sur le Kenya et Shadowed by the Sun sur la Somalie ont positionné le reporter de 35 ans comme un des photographes à suivre. Il est désormais considéré comme un grand nom. En 2005 après plusieurs parutions dans le Los Angeles Times, Time Magazine ou Forbes, il avait été classé dans les 30 top de moins de 30 ans, pour sa couverture des conflits en Ouganda, au Darfour ou au Tchad. Avec ces portfolios, il est en passe de devenir un des rares reporters dont les photos ne sont pas diffusés uniquement dans la presse mais se vendent dans les grandes galeries comme "Bonni Benrubi" à New York ou la "M+ A Gallery" à Beverly Hills, les manifestations branchées comme Paris Photo.



Les prix qu'il a obtenu ont fait du coup monter ses prix et ses oeuvres sont même achetées par des musées comme le Boston Museum of Fine Art.  Rançon du succès, il est pris à son propre piège. Le style de ces portfolios a tellement marqué les imaginations qu'il a du mal à faire accepter de nouveaux clichés et les acheteurs s'intéressent plus à lui et à ses créations qu'aux messages et aux témoignages qu'il cherche à mettre en avant. Un temps bloqué par son image, il a cependant retrouvé sa voix, sa voie ces derniers mois en couvrant le conflit en Libye, la terre de ses ancêtres et en se dirigeant vers de nouvelles sources d'inspiration et d'expression.  





vendredi 11 novembre 2011

Des étoiles dignes de grandes toiles : petite pause sur les temps de poses longs




La tête dans les étoiles, les pieds sur terre. Tel pourrait être le portrait de Lincoln Harrison qui, en moins d'un mois, vient de passer de l'anonymat le plus complet au rang de référence en matière de photos de nuit. Il lui aura fallu une petite série de clichés de paysages dans la pénombre pour s'imposer comme un des papes de la spécialité. Mais quels clichés ! Des images d'une grande beauté, bien construites, ultra nettes et surtout ultra-colorées. De petits bijoux chatoyants loin de Rhein II la photo le plus chère de l'histoire tout en gris et en vert.

Le parallèle  entre le travail du jeune photographe australien  et les toiles de Van Gogh est dans toutes les têtes. Mêmes lignes saillantes et mêmes teintes chaudes. Et même coup de coeur. A peine ces paysages ont ils été diffusés qu'ils ont été repris dans les blogs, les journaux du monde entier. La télé brésilienne en a même parlé dans ses journaux. Et peu à peu, ces créations qui étaient dans un premier temps commentées dans de petits blogs spécialisés ont fait leur apparition sur des sites grand public. 



Ces clichés brillent par leur originalité. L'intérêt est double. Esthétique tout d'abord : le grand public n' a quasiment jamais vu la nuit sous cette angle. Et pédagogique ensuite car on peut ainsi comprendre le mouvement des astres. La rotation de la Terre qu'on ne perçoit pas en temps ordinaire devient visible. 


L'histoire de Lincoln Harisson peut s'apparenter à la vie d'un complet néophyte qui aurait eu sur le tard un flash pour la photo. Il y a un an, en octobre 2010, il n'avait même pas d'appareil. Un jour alors qu'il voulait vendre des habits sur ebay il pénètre dans un magasin et achète à la va-vite un boîtier, un Nikon D3100. Un achat banal mais une fois débarrassé de ses vêtements, il se retrouve avec son appareil sur les bras. Ou plutôt dans les mains. Que cela ne tienne, quelques jours plus tard, il part à la campagne et se met a prendre des photos de paysages. Les premières images rendues, il se passionne pour cet objet magique et retourne à la boutique acheter d'autres objectifs. En une semaine, il en a pas moins de huit. Et ce qui devait être un simple achat utilitaire se met à prendre une place de plus en plus importante dans sa vie. Il se met alors à shooter deux à trois fois par semaine. Des paysages de bord de mer puis des panoramas du bush australien. Il tombe alors sur le charme des cieux de l'hémisphère sud et de ses étoiles qu'il fixe de plus en plus souvent. Loin de tourner au désastre, ces premiers clichés d'astres le confortent sur sa lancée. Et dès que les conditions sont bonnes, le ciel dégagé, il se rend dans la brousse. A 36 ans, sa vie en est bouleversée.




Sa technique est aujourd'hui éprouvée. Il est passé maître dans l'art de la pose de nuit. Pour arriver à fixer les transformations de la voute céleste, il prend sa voiture dès qu'il sait que le ciel est dégagé et installe son trépied peu avant la tombée de la nuit. Il paramètre ensuite son appareil sur un temps de pose long. Classique. A une seule particularité, il ne règle pas sur cinq ou dix secondes mais sur 15 heures. Du moins jusqu'au lever du soleil. Du "sunset" au "sunrise". Pour finir sous les "sunlights". 



Ces photos par leur cercles presque parfaits pourraient faire penser à un travail sur ordinateur. Il n'en est rien. C'est le résultat d'une longue patience. Parfois par grand froid, puisque la nuit, durant l'hiver austral, les températures peuvent descendre en dessous de zéro degré dans les environs du lac Eppalock. En fait, sous l'effet de la rotation de la Terre, les étoiles qui se traduisent par un point blanc lumineux s'impriment en laissant des courbes dans le ciel. Des traînées blanches qui laissent comme des rayures sur la voute céleste, vaste plafond coloré, éclairé par la lumière du soleil couchant puis de l'aube. Des impressions impressionnantes. Un grand temps d'exposition qui devrait l'amener très vite dans de grandes salles d'exposition.



Mais autant que sa maîtrise technique, c'est son art de la composition qui fait la qualité de ce travail. Fasciné par le ciel, Lincoln Harisson lui laisse une très grande place dans ses clichés. Une part importante mais pas totale. Il lui consacre deux tiers de l'espace, pas plus, et il essaye d'observer un subtil équilibre un tiers - deux tiers, une partie de l'image mettant en relief l'autre, le sol contrastant avec la nuit.
Sauf quand il cherche à jouer avec les reflets des astres dans l'eau où il partage alors son cadre géométriquement en deux.
Autre particularité, face aux étendues australiennes, pour éviter que la scène soit vide et trop nue, il utilise souvent un premier plan. Un arbre ou un rocher qui deviennent un sujet principal, qui attire le regard, qui structure l'image. Une amorce ou un premier plan vient du coup donner un peu de vie avec sa silhouette ou enrichir le panorama avec des diagonales.


D'habitude, les visiteurs des grandes expositions urbaines ne se préoccupent guère des étoiles. Mais le succès de cette série peut changer leur regard et les pousser à lever les yeux plus haut que les cimaises. Vers d'autres cimes, d'autres cieux. Et à redécouvrir les vitesses lentes. A un moment où on nous parle de plus en plus de temps du slow food, de slow thinking, les temps d'exposition longs devraient retrouver leurs lettres de noblesse. On les emploie souvent pour des paysages pour photographier les rivières, les mers, les cascades, les ruisseaux. La priorité à la vitesse lente sur l'eau qui s'écoule donne des effets de flous intéressants. Des vapeurs d'eau qui créent des halos, des voiles transparents, l'écume se transformant en mousse et enveloppant les rochers en premier plan. En prolongeant au maximum le temps de pose, les artistes lissent ainsi le mouvement des gouttes d'eau, les tourbillons des vagues et ce lever flou forme une lumière uniforme, douce les arbres ou les cailloux. La netteté de certains détails ressort alors d'autant plus plus qu'une légère brume entourent les autres éléments du plan. 






Dans ces cas là, l'utilisation d'un trépied est indispensable, car le photographe est sur des vitesses dépassant la seconde et le moindre mouvement du boitier créerait un "flou de bougé". Harrison fort de son expérience utilise son Nikon D 7000, (et oui grisé, il est aujourd'hui passé à un boîtier encore plus performant qu'il fixe sur un Manfrotto 0555 X PROB). Très utile à condition de bien fermer les articulations et éviter que le poids de l'appareil fasse imperceptiblement pencher la rotule vers l'avant. 




Si le trépied, c'est le pied néanmoins pour parer l'arrivée de micro-vibrations, inévitables lors d’un déclenchement manuel, il n'est pas plus mal de recourir à un déclencheur souple ou une télécommande infrarouge  pour le déclenchement. Ou à défaut, utiliser le retardateur. 




Qui dit vitesse lente, dit également fermeture du diaphragme pour compenser l'exposition car sinon trop de lumière rentrerait. Ce qui se traduirait par une image explosée, sur exposée. Et  si l' objectif est au maximum de sa fermeture, il ne faut pas hésiter à utiliser un filtre gris neutre aussi appelé ND, pour Neutral Density afin de ne pas être surexposé. Avec un indice pour mener à bien vos recherches dans les boutiques, un indice élevé, le ND 400 par exemple. Il n'y aucune modification de la colorimétrie : ce filtre, sur lequel il ne faut pas mégoter, permet uniquement de perdre de la lumière de manière uniforme, et de ce fait, faire baisser la vitesse d’obturation à diaphragme égal, sans surexposition. Lincoln Harrison prend des Singh Ray. Et pas seulement pour éviter de rayer ses objectifs.  




Enfin, pour un meilleur rendu, une petite retouche sur ordinateur ne nuit pas. On peut assombrir les tons sombres pour qu'ils soient bien denses en jouant sur la luminosité et jouer sur les couleurs augmenter  un peu la saturation pour faire ressortir les différents types d'éclairages ou renforcer certaines teintes. Et avoir des teintes pas éteintes. Essayez et vous deviendrez, au choix, un grand photographes d'étoiles ou une étoile de la photographie.