samedi 6 octobre 2012

Ikea, une communication qui tient du bricolage


C'était le jeu de la semaine sur la toile. Trouver les sept erreurs du catalogue IKEA à destination de l'Arabie Saoudite. A première vue, les meubles y sont, les tables, les chaises. Ce sont les mêmes clichés que l'on peut voir un peu partout en Europe ou aux Etats-Unis. A une exception près. Il manque des personnages. Et pas n'importe lesquels. Les utilisatrices.


Pas de femmes, pas de petites filles. Là où l'on peut observer chez nous, une famille au complet en train de se brosser les dents, les Saoudiens n'ont droit qu'à un père et ses deux fils accomplir ce geste on ne peut plus banal. Les Scandinaves auraient-ils une dent contre 50 % de la population? Que nenni. Dans ce pays du Golfe, où les habitants pratiquent un islam rigoriste, on trouve très peu de femmes dans les pubs (dans les publicités bien entendu, l'alcool est proscrit là-bas ) et le roi de la décoration d'intérieur n' a souhaité prendre aucun risque.


Etrange discrimination. La Suède, pays du fabriquant du meuble, est un pays phare de l'égalité hommes / femmes et cette absence a choqué. A peine révélé par la version finlandaise du quotidien Métro, le gouvernement de Stockholm s'est publiquement prononcé contre ce type de pratique misogyne. La ministre des Affaires européennes, Brigitta Ohlsson s'en est pris, sans langue de bois, au géant de l'ameublement, qualifiant sur Twitter le procédé de "médiéval". Sa consoeur, Ewa Björling, ministre du Commerce extérieur a affirmé "que cela ne se faisait pas de supprimer les femmes de la réalité." 



Pris sur le fait, la marque s'est excusé et regretté cet ajustement "contraire à ses propres valeurs". Mais sans cette levée de bouclier, il est fort à parier qu'elle se serait assise sur ces principes. L'appât du gain ayant raison de la charte de l'entreprise. A demi-mots, ses dirigeants ont reconnu, que pour entrer sur un un nouveau marché, ils devaient trouver "un bon équilibre entre leurs valeurs et la culture ou la législation locale qui peuvent être différents".


Peu importe que les femmes ne puissent quasiment pas voter ou conduire une voiture, Ikea s'en accommode, la multinationale a trois magasins en Arabie Saoudite et veut profiter de ces enseignes qui affichent un chiffre d'affaires à deux chiffres chaque année.


L'affaire a fait d'autant plus de bruit que contrairement à ce qu'avançait le constructeur scandinave dans un premier temps la volonté d'enlever toute présence féminine du catalogue n'était pas l'oeuvre d'un retoucheur trop zélé ou ne provenait pas d'une erreur d'inattention d'une franchise éloignée, mais relevait d'un choix prémédité. En y regardant de près, certaines ombres ont changé, l'éclairage aussi. Les spécialistes en ont déduit qu'il y avait eu plusieurs photos prises en studio le même jour avec les familles puis sans et que dès le départ les responsables souhaitait avoir un jeu d'images sans  personnages et sans femme en particulier.




Seul compte le tiroir caisse. Kit a se renier. Fin Août, Ikea Russie voulant faire moderne et "2.0" avait organisé un un concours de photo. Une idée originale pour susciter un engouement autour de son nom, jouer sur la proximité et dénicher de nouvelles idées graphiques. Gros succès. Des centaines d'artistes amateurs envoient leur cliché espérant secrètement gagner des bons d'achats et retrouver leur photo en couverture du catalogue à venir comme les organisateurs s'y étaient engagé. Les règles étaient simples n'importe qui pouvait participer, il suffisait de se rendre dans une boutique et le visuel qui recevrait le plus de suffrages de la part des internautes l'emporterait.


A l'arrivée, l'image la plus plébicitée est celle d'un jeune homme originaire de l'Oural. Son cliché représentant des jeunes portant des cagoules multicolores à la manière des Pussy riot asssis confortablement dans un canapé IKEA recueille plus de 1400 "like. L'image en tête du classement pendant une semaine commence à faire le buzz. Jusqu'à ce qu'elle soit retirée pour éviter qu'un amalgame soit fait avec les jeunes contestataires emprisonnées. La marque expliquant que son jeu ne peut être "utilisé comme instrument de propagande". Immense déception, incompréhension et avalanche de critiques, d'autant que le patron d'Ikea Russie, Lennard Dalgrenh, lui, ne se prive pas de s'exprimer sur la vie politique russe, souvent pour passer la brosse à reluire à Vladimir Poutine. Bref, une communication virale en bois chez une entreprise qui pourtant promeut l'esprit communautaire auprès de ces clients et qui a une stratégie agressive sur le net avec un emploi récurrent des mailing lists.


Ces "bad buzz" largement relayés sur la toile et les média traditionnels font mauvais genre. Surtout qu'en France l'entreprise est accusée de licenciement abusifs et de non respect de la vie privée de ses employés. Le retour de bâton ne s'est pas fait attendre. 



Le scandale est mondial. Un tumbler a même été créé à l'occasion, intitulé "I(KEA) got 99 problems but a bitch ain't one!"Traduction, Ikea a 99 problèmes mais une salope n'en est pas un !". Une page sur laquelle les internautes s'amusent à poster des photos célèbres sur lesquelles les femmes sont supprimées et remplacées par des meubles. 



A coups de retouches sur photoshop, les internautes tournent en dérision l'exces de zèle de la firme au logo jaune et bleu, imaginant un monde sans femme et des couples mythiques privés de beautés sensuelles ou spirituelles. Yoko Ono, Michelle Obama, Lady Di, Mère Thérésa font ainsi les frais de ces manipulations. 








L'incompréhension est d'autant plus forte que chaque année, le catalogue du géant suédois est un des ouvrages les plus publiés au monde devant la Bible et que lors des visites dominicales dans le centres commerciaux les femmes sont de plus en plus prescriptrices en matière de décoration intérieure.




Les stars comme souvent dans ce type de blagues potaches sont mis à contribution. Les super héros en premier lieu avec beaucoup de parodies d'affiches de films. 





Même Omer Simpson l'a eu amère. Comme souvent, il n'aura fallu que quelques heures pour que les geeks s'emparent de l'affaire et mettent le doigt la où cela fait mal détruisant l'e-réputation d'une entreprise comme cela avait été le cas en janvier de la Redoute. 

Ikea se vante de verser 30 millions d'euros pour financer des programmes d'aide aux femmes dans les zones rurales de l'uttar Pradesh, en Inde et s'en fait écho sur son site. c'est dire si l'erreur d'un directeur marketing un peu marteau fait désordre. Pour enfoncer le clou et dénoncer la schizophrénie de l'entreprise qui se donne bonne conscience quand ses enjeux financiers ne sont pas en question, les tweetos ont détourné des pochettes de disques ou des oeuvres d'art pour montrer le ridicule de la situation. 





En gommant les femmes, les illustrateurs n'ont pas tout imprimé, ils ont oublié une partie de ce qui fait le charme de la vie sur terre. Et les défenseurs se sont impressé de leur rappeler.






Les icônes suédoises sont mises à toutes les sauces. Un lasso, un clic, un copié collé et le tour est joué. Cela va du groupe pop ABBA à Ingvar Kamprad, créateur d'IKEA, célèbre pour ses lunettes qui a souvent été désigné comme l'homme le plus riche d'Europe avec un patrimoine supérieur à 42 milliards de dollars. Les icônes du pays déboulonnées, fallait vraiment que les consommateurs d'armoires en kit soient remontés.




Le travail en terme d'image auprès des consommatrices ne sera pas évident. Le directeur financier de la multinationale aimerait bien ranger très vite cette "maladresse" au placard. Mais en période de crise,  la bourde amplifiée par les réseaux sociaux ne va pas faciliter les ventes. Dans certains pays comme en Italie, le groupe international table déjà sur une baisse de son chiffre d'affaire. C'est un coup dur car dans l'ensemble les publicitaires de la marque nordique avaient su la rendre sympathique à coups de spots décalés.






On peut dire qu'aujourd'hui si les responsables ne donnent pas un sérieux coup de vis à leur communication vers clientèle féminine, la pente risque aussi dure à remonter qu'un meuble IKEA.



Et pour ceux qui ne comprennent l'allusion, voici en guise de conclusion, pour meubler, la vision très personnelle d'un dimanche passé à Ikea par l'humoriste, Sellig. Cela déménage.


Sellig ikéa par gamisator

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