lundi 15 octobre 2012

Félix Baumgartner, l'homme qui tombe à pic : l'étoffe du héros



Incroyable. Félix Baumgartner a réussi dimanche 14 octobre un authentique exploit. Il réalisé le rêve de tout homme : voler sans aucune aide. Et pulvérisé tous les records de chute libre.
S'élancer en parachute d'une hauteur de 39 km d'altitude alors que la majorité des sauts se font autour de 4000 mètres, descendre à plus de 1100 km/heure, dépasser la vitesse du son et tomber pendant plus de 4 m 19 sec en chute libre vers le sol. Le saut que le sportif autrichien vient de réaliser, très peu de personnes l'auraient tenté, et encore moins l'aurait réussi.




Au niveau sensations, difficile de faire plus grand.  Ouvrir la fenêtre de la capsule et découvrir la planète ronde bleue auréolée d'un halo de lumière.



Se tenir ensuite debout en dehors de la nacelle à 40 000 mètres de hauteur au dessus de la terre et se décider à plonger.


Chuter pendant plusieurs minutes en se sentant accélérer droit vers la Terre en la voyant grossir au fur er à mesure.


Chuter  à près de 1000 km heure soit trois fois la vitesse d'un TGV sans aucune autre protection qu'un scaphandre. 




Partir en vrille et arriver à contrôler comme un chef sans perdre son sang froid. 



Et se poser grande classe comme une plume comme si rien n'était en marchant. Le pied absolu pour tout amateur de vitesse !



Le rêve... Mais un plaisir qui pour tout un chacun restera au stade du fantasme. Car sauter dans l'inconnu, juste pour avoir la sensation de glisse ultime en prenant le risque de jouer sa vie demande une confiance extraordinaire. Et témoigne d'une maîtrise énorme... Chapeau bas ! C'est la Big Wave, puissance 10 !



Il est possible qu'entre la poussée final du rebord de la nacelle à l'atterrissage, le parachutiste, concentré qu'il était, n'ait eu que très peu d'instants pour apprécier. Mais pour tous ceux qui l'ont suivi en direct sur le net, c'était un très grand moment d'émotion. Pendant près deux heures, 35 caméras ont filmé l'ascension puis la chute de Félix Baumgartner. Grace au live du site Red Bull Stratos et au signal international relayé par Youtube, Zapiks, Gentside et tant d'autres, plus de dix millions de spectateurs ont vécu cette aventure comme si ils étaient dans la salle de contrôle à coté des ingénieurs, s'émerveillant quand le hublot s'est ouvert et croisant les doigts quand le minuscule point blanc qui descendait de manière irréelle s'est mis à tourner, tourner, sans qu'on sache quand cette spirale infernale allait s'arrêter.  Les caméras embarquées par le héros du jour dont les images ont été montées par la suite rendent bien le coté jouissif d'un tel vol. Le spectacle était tellement hallucinant, qu'il y a 2000 tweets par seconde pendant toute la durée du saut. La vidéo du saut où on le voit brinquebalé à droite à gauche  a été vue par plus de 5 millions de fois dans les 24 heures qui ont suivi.



 Quelle réalisation. Un long panoramique vertical sans son pour voir de très loin le corps de l'Autrichien partir dans tous les sens,  plan large sans son sur les opérateurs au visages déconfits, gros plan sur la mère au bord de l'asphyxie... Puis retour dans le ciel pile poil au moment où le contact radio reprend. "Roger", "Roger ". Et là joie du staff qui respire à nouveau avant d'applaudir à tout rompre. Un scénario irréel digne des grosses productions hollywoodiennes.


Sacrée soirée. Entre 20 h 08, heure où le parachutiste a fait un bref salut militaire les doigts tendus  avant de basculer vers le vide et 20 h 17 quand ce vainqueur de l'impossible s'est mis à genou les bras en l'air, les observateurs ont cru suivre admiratif d'un héros un dessin animé. Les plus anciens ont revécu les scènes de joie de leur enfance lorsque Youri Gargarine a fait le premier  tour du monde en apesanteur ou quand Neil Armstrong a posé le pied sur le sol avec la même incrédulité. C'était inimaginable et pourtant un homme l'a fait.


Un homme mais un homme hors norme. Un sportif accompli au mental de fer puisqu'il a avoué quelques heures plus tard, qu'il ne voyait quasiment plus rien mais qu'il continuait à parler pour rassurer son staff. Un des meilleurs parachutistes vivants aussi forts en chute libre qu'en base jump. Son plus grand exploit en date : un vol de 22 kilomètres au dessus de la Manche sans moteur seulement équipé d'ailes en carbone spécialement construite pour l'occasion. Largué à 10 kilomètres par un petit avion au-dessus de la ville de Douvres, il est arrivé à Calais, à 35 kilomètres de distance... Après six minutes de vol à plus de 350 kilomètres / heure. Adrénaline garantie. Et à l'époque, en 2003, il avait montré qu'il n'avait pas seulement l'étoffe d'un héros mais aussi celle d'un chef d'équipe capable de trouver un gros sponsor pour l'épauler et de fédérer une bande d' ingénieurs pour le suivre dans ses délires.





Il avait alors fait ses preuves montrant sa capacité à trouver un sponsor, déjà Red Bull et porter sur ses épaules un gros projet. Malgré son tatouage "Born to fly" sur l'avant bras droit et son allure de Top Gun un brin tête brulée, chez lui, il n'y a rien d'impulsif, tout est une question de préparation. Il ne laisse aucune place au doute et déteste qu'on le décrive comme un amateur de sensations fortes, un drogué de l'adrénaline. Comme dans tout sport de glisse, un bon rider est un rider vivant et si le casse-cou est encore là après tant de premières, c'est qu'il sait écouter, s'entourer et se préparer de manière unique. Le récit du saut du 14 octobre témoigne de son souci du détail qui tue puisque finalement c'est son parachute de secours qui s'est ouvert automatiquement qui a permis de rallier le dessert américain.



Faire le portrait de Felix Baumgartner, c'est raconter l'histoire d'un homme supersonique qui a moins de 45 ans est devenu une légende vivante. "Fearless Felix"  a toujours été attiré par le vide. Dès son plus âge, le natif de Salzbourg, qui va désormais faire de l'ombre à Mozart, rêvait de contempler le monde du ciel.  "J'ai toujours eu envie de liberté et toujours voulu voir le monde d'en haut. Tout petit, je grimpais déjà aux arbres, j'ai toujours voulu voler" confiait il récemment. Résultat, le petit prodige réalise son premier saut à 16 ans. Puis rejoint très tôt l'armée autrichienne pour se perfectionner dans les forces spéciales et s'entraîner au sein de l'équipe militaire autrichienne de démonstration. Un an à peine tant l'aventurier se sentait à l'étroit dans le moule militaire, lui, l'albatros aux ailes de géant.  Qu' à cela ne tienne, il remportera à 28 ans aux Etats-Unis le titre en 1990 de champion du monde de base jump, une discipline grisante qui consiste à se jeter d'un pont, d'un immeuble ou d'une falaise pour faire de la chute libre sans avion en dépliant son parachute au dernier moment.



"Start the cameras and your guardian angel will take care of you" restera comme une des phrases clés de la mission. Mais "Felix the cat", celui qui arrive toujours à tomber sur ses pates, est aussi un grand homme de communication, cette belle gueule de baroudeur a rapidement compris qu'il fallait mettre les médias dans sa poche si il voulait vivre pleinement sa passion. Ce qui l' a aidé car en trouvant un mécène de poids, il a réussi à monter le projet dont  les spationautes français rêvaient depuis la fin des années 1980 et qui avait été mis en veilleuse par Jean-Pierre Chevènement, ministre de la défense à l'époque, pour des raisons d'économie.


En bon pro du marketing, il soigne ses apparitions et est passé maître dans l'art du story telling. C'est ainsi qu'en 2006 pour sauter de la plus célèbre tour  de Suède, la Turning Torso de Malmöe dont les toits étaient interdits au public et parfaitement sécurisés, il a imaginé une mise en scène que seul Ian Fleming aurait osé. Il a sauté une première fois d'un hélicoptère qui survolait la cité pour atterrir sur la terrasse supérieure avant de s'élancer à nouveau quelques secondes plus tard avec un second parachute et se poser une dernière fois 190 mètres plus bas à coté d'une moto qui l'amenait loin des lieux de son forfait. Un scénario digne de James Bond, filmé avec plusieurs caméras. 



La vie de Félix Baumgarter est parsemée d'exploits et de record, un des plus célèbres restant son saut en base jump depuis la main de la statue géante du Christ Rédempteur de Rio de Janeiro dont le bras ne se situe qu'à 30 metres du sol. Une chute très technique puisqu'il lui a fallu préparer très soigneusement son vol pour éviter de s'écraser et survoler la célèbre baie d'Ipanema. 30 mètres :  à peine la distance qu'il faut pour déclencher un parachute. (Un défi que n'aurait pas osé inventer Michel Haznavicius, le réalisateur d'"OSS 117 : Rio ne répond plus".)  Et là aussi toujours le même sens du spectacle avec une voiture pour évacuer l'aventurier avant que les forces de l'ordre ne vienne l'interpeller pour trouble à l'ordre public.



Jamais en manque d'imagination, cet homme de coup, ce show man est même venu en France pour une de ses nombreuses "performances". Et pas n'importe où : en Aveyron au nord de la région Midi-Pyrénées. En juin 2004, alors que tous les architectes se pâmaient devant les lignes fines  du Viaduc de Millau en construction et qu'un maximum de précaution avaient été mise pour empêcher le public d'accéder au chantier et empêcher les suicidaires d'approcher, l'Autrichien avait réussi à passer outre les barrières et se jeter du pont et finir 342 mètres plus bas le long de la rivière. Avec à la clé un double saut périlleux remarquable et remarqué avant de tirer sur la poignée. A l'époque les responsables de la sécurité avait déposé plainte contre X, X qui finira par être identifié quand le parachutiste renommé a mis en ligne ses photos. L'affaire s'est finalement réglée à l'amiable en juin 2011. Soit 7 ans plus tard. Un délai dont peut s'enorgueillir la justice française. Depuis de nombreux base jumpers ont renouvelé l'exploit mais Felix Baumgartner en sautant cinq mois avant l' inauguration officielle montrait déjà qu'il était bien en avance sur son temps.


Son intrépidité n'a pas de bornes. Sa curiosité non plus. Son plus beau fait d'armes, hormis son record de vitesse, est sans doute pour moi son saut dans la grotte du Salon des Esprits dans le sultanat d' Oman à l'extrême sud est de l'Arabie en 2007 sur le plateau de Selma. L'homme qui tombe à pic avait déjà sauté dans une caverne en Croatie à Muscat mais ce jour d'Avril la performance est énorme, sans échappatoire. 120 mètres de hauteur, une chute dans le noir et l'obligation de changer de direction dans la pénombre en évitant les parois qui forment comme un puits de lumière. La grotte est inclinée et le vol d'abord droit doit se faire ensuite à l'horizontale à l'aveugle avant d'atterrir. Un saut étrange pour lui qui a l'habitude de partir du ciel face l'horizon. Une long travail de préparation, un exercice de concentration costaud et une gestion du timing qui lui auront bien servi ce dimanche. 

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Celui qui restera comme le sportif de l'année n' a pas volé son succès.  Ses trois records explosés après une semaine d'attente en font un héros des temps modernes. Surtout que pour une fois, il le confiait en conférence de presse quelques heures après son saut, outre la beauté du geste, il a su associer à son aventure une équipe scientifique dont les travaux pourraient permettre de faire avancer la conquête spatiale. Aujourd'hui, il a redonné du rêve aux hommes. Et ce n'est pas un mince exploit. Un bel hommage à Frantz Reichelt, le père du base jump,  qui il y a juste 100 ans s'était jeté du premier étage de la tour Effeil avec la même foi mais pas la même réussite. 



A la télévision, à la radio, les médias ont été unanimes pour saluer la performance humaine et technique. Sur le web, de nombreux hommages comme d'habitude. Avec des parodies on le voit transformé en chat sauter par la porte de la capsule, allusion à son prénom.


Les humoristes ont très vite vu tout le potentiel comique de cette aventure. Le célèbre Conan O'Brien, star du petit écran outre-Atlantique s'est amusé à mettre en scène un autre record :le plus petit saut en parachute du monde. La sensation en caméra embarquée est saisissante.




D'autres sans doute Parisiens sont même allés jusqu'à inventer une nouvelle mission impossible à Félix : prendre le RER B aux heures de pointe. De l'humour second degré mais qui a fait sourire ceux qui suent dans les wagons franciliens.


Autre astuce de saison, de gros clins d'oeil  bien appuyés à la dégringolade du président François Hollande dans les sondages.Plus étonnants provenant non plus d'internautes mais de sociétés qui ont surfé très rapidement sur ce gros buzz avec des détournements publicitaires avec deux vidéos marquantes : une réplique du saut en Légo et une autre plus simpliste avec un papier de Kit Kat qui vole au vent.


La parodie la plus déjantée est sans contexte celle de MikkaRochia, un fantaisiste qui a rajouté la bande son des Bronzés font du ski et en particulier le passage où Jean-Claude Duss saute en pleine nuit du télésiège à l'arrêt. La synchronisation de l'image et du son et le décalage des situations fonctionnent même la juxtaposition est un peu tiré par les cheveux. Pourquoi pas Joyeux Noël, Félix ! Je vous laisse juge. Les fans de la troupe du Splendid apprécieront.


 L'hommage le plus spectaculaire est venu d'Asie : une superbe animation du site d'information en ligne taïwanais spécialiste des courts métrages animés, NMA.TV, qui a réalisé une superbe reconstruction en 3 D. Un "replay" magique haut en couleur et en reliefs.

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