mardi 5 juin 2012

Pas de pardon pour Depardon. Le portrait officiel de François Hollande, commenté et parodié. Bienvenue chez François LOLande !


La présentation du portrait officiel du 7 ème président de la Vème République était annoncée ce lundi à 16 heures. Le service de com de l'Elysée ayant, semble-t-il, de la fuite dans les idées, la photo circulait déjà sur la toile dès 13 heures. Ca l'affiche mal.


Cela fait désordre. Mais à mes yeux, le problème vient avant tout de la piètre qualité du cliché. Sans originalité. Jacques Chirac avait, lui aussi, opté pour le palais présidentiel et le jardin de l'Elysée en fond. Mais  surtout pas très convainquant avec un trop grand contraste entre la silhouette du chef d’État à l'ombre et un Château sur exposé, presque cramé. Vu les moyens mis en place, les assistants, le résultat est un brin décevant et on est en droit de ce demander s'il n'aurait pas été plus judicieux d'attendre que le soleil soit mieux placé.



Dire que des centaines de milliers d'amoureux vont se marier sous le regard de François Hollande...
Raymond Depardon avait imaginé pour innover de faire marcher le Président, symbole d'une France qui avance. L'idée était séduisante et  le célèbre photographe, ancien reporter, avait tout mis en place pour le voir traverser la pelouse bien arrosée et tondue de près. Le cinéaste  avait pris le parti de travailler sans pied et miser sur le naturel, histoire de faire moins protocolaire Peine perdue. A l'arrivée, les services de la présidence ont sélectionné un portrait statique. Les bras ballants. Sans doute loin de ce que le documentariste réputé avait espéré...


 Il voulait de la vie, il nous a livré une image fixe. Explication :  piégé par le temps, le portraitiste n'a eu qu'une demi-heure pour travailler. 30 minutes au cours desquelles il a shooté au Reflex numérique, puis au Leica et enfin au Rolleiflex... A chaque fois, le créateur de l'agence Gamma a fait marcher son modèle. Mais sur la fin, avec son vieux boitier, il n' a pu faire que 12 photos. Et sur cette série très courte que son choix s'est posé. Il a retenu la douzième. Mais comble de malchance, à ce moment là, le photographe s'était arrêté ralentissant considérablement la démarche son modèle. Dommage. L'idée était bonne mais faute de temps, l'effet de mouvement est passé à l'as.


Et pourtant, de larges moyens ont été mis en place : une équipe d'assistants, une maquilleuse et deux énormes réflecteurs qui auraient du déboucher un peu  le visage du président et apporter à ce cliché un rendu plus homogène...


Aussitôt diffusée, aussitôt détournée. La photo n'était même pas présentée à la presse dans la salle des fêtes de l'Elysée, que les internautes la parodiait sur la toile. Parfois avec talent.



Les amateurs de photos ont rapidement noté que pour la première fois, le cadre du cliché carré alors que jusque là les portraits officiels privilégiaient les verticales... Et certains y ont vu l'influence d'Instagram. Les plus impertinents ont même fait savoir que c'était inutile de ressortir le Rolleiflex des années 1960 qui avait immortalisé le Général de Gaulle, Edith Piaf et Marlon Brandon et qu'un simple smartphone aurait suffi. Cela aurait couté moins cher.


 A président normal, photo normale. Sur la toile, certains se sont demandé ce qui ne tournait pas rond dans ce cliché. Et la réponse a rapidement fusé : elle est carrée !  "Il s'agit d'un clin d'oeil à la photographie amateur", affirme André Gunthert, chercheur en histoire visuelle et éditeur multimédia de l'Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS), "notamment au niveau du format carré: on dirait un polaroïd ou une photo Instagram. On est loin des codes de la photo institutionnelle".
Le cadrage des applications que l'on trouve sur les smartphones influence notre façon de regarder les images. Et le format carré des clichés pris avec Instagram ou Tadaa est devenu une pratique qui n'étonne plus personne. Tout un symbole.


Pas de pardon pour Depardon. Les internautes se sont amusés à imaginer le documentariste en train de corriger les défauts de son cliché sur son téléphone, soit en amoindrissant les contrastes, soit en atténuant la surexposition de la façade du Château, soit en lui donnant un aspect vintage.





François Hollande souhaitait avoir un portrait en extérieur et pas dans la bibliothèque comme plusieurs de ces prédécesseurs, notamment Nicolas Sarkozy. Une volonté louable de sortir des clichés et de me montrer un président ouvert sur le monde et proche de la nature. Sylvie Hubac, la directrice de cabinet du président, a expliqué lors de la présentation officielle que François Hollande aspirait à ne «pas être  enfermé dans son palais». Il désirait être en mouvement et le regard tourné vers la France, «avec à la fois beaucoup d'attention, d'humanité et de vigilance».


"Tous les présidents ont cherché à se différencier de leur prédécesseur. affirme André Gunther. Mitterrand,  pour rassurer son électorat, a innové en posant assis dans la bibliothèque de l'Elysée, en rupture avec Valéry Giscard d'Estaing, debout devant le drapeau français. De même que Nicolas Sarkozy avait choisi, lui, de poser debout dans la bibliothèque de l'Elysée, devant les drapeaux de la France et de l'Europe". Mais très rapidement, les observateurs ont fait le rapprochement avec Jacques Chirac qui lui aussi avait été saisi dans le jardin par Bettina Rheims. D'éminents politologues comme Olivier Duhamel ont du coup parlé d'école corrézienne.







Pour le professeur de Sciences-Po, François Hollande n'ayant pas l'égo aussi disproportionné que son prédécesseur, le choix d'un plan large est symbolique, ce n'est lui la vedette... Le président de la République est un des vecteurs du changement. Pas le seul vecteur... C'est pourquoi Depardon a privilégié le plan américain. Jacques Chirac avait les bras coupés, le nouveau locataire de l’Élysée, lui, a les mains bien visibles. Et là, deux interprétations sont possibles. En fonction de leurs opinions, les blogueurs ont des avis divergents. Pour certains, à gauche, il est prêt à mettre les bras dans le cambouis, pour les autres, proches de l'UMP, il a les bras ballants et ne sait trop que faire. Entre eux, sur les réseaux sociaux, cela flingue à tout va. C'est fou, ce que l'on peut faire dire à un plan américain coupé au dessus de la cuisse.


Quelques heures après la mise en ligne du portrait officiel, les partisans du Chef de l’État et les militants de l'opposition ont mis en ligne leur détournement... Un mois après les présidentielles, et quelques jours a peine avant le premier tour des législatives, les deux camps continuent leur guéguerre numérique. Le troisième tour comme on dit en politique, est en jeu.


A droite, les sympathisants de Nicolas Sarkozy n'ont pas baissé la garde. Se mettant en pétard contre ce portrait, ils voient des éléphants du PS partout sur la pelouse. Ou imaginent des répliques de François Hollande à foison.... Bad trip. Sans doute, l'effet des nouvelles propositions de Cécile Duflot sur la dépénalisation de la consommation de cannabis.




Ils se moquent  de ce président normal qui se veut simple et décontracté et qui pose avec un  costume de marque impeccable dans un jardin tiré à quatre épingles... En effet quoi de plus naturel? Quite à faire populaire, pourquoi ne pas aller dans les quartiers à la rencontre des "vrais gens"? Ou à se faire tirer le portrait dans un supermarché ou une cabane de jardin ?



Plusieurs pros de Photoshop se sont même dit que dans un jardin, la tenue qui lui irait le mieux, c'est un tablier de cuisinier. Une tenue plus adéquate pour passer du bon temps entre amis autour d'un barbecue. 


 Et puisque Photoshop permet de détourer et replacer dans un autre contexte, les graphistes s'en sont donné à coeur joie, le plus souvent en utilisant un univers enfantin.


Coté PS, idem. Les militants ont misé sur la plaisanterie jouant, eux aussi, sur le retour de l'ancienne équipe au pouvoir. Pour eux, l'ombre d'une cohabitation n'est pas à exclure et ils se sont plu à rêver d'un "come back" fulgurant de Nicolas Sarkozy et de  Nadine Morano. 



Les plus gauchistes d'entre eux, l'ont vu prendre la tête des manifestations pour la défense de l'emploi. Et défiler notamment contre la fin de l'activité industrielle dans les usines d'Arcelor Mittal à Florange. Ils seront peut-être déçus mais avec un bon logiciel de retouche, sur internet tout est possible...


De fait, le portrait est devenu un meme. Et on devrait revoir le président un peu figé dans les situations les plus improbables un peu partout à l'avenir. Tout comme l'homme nu repéré sur le site de la Redoute qui avait défrayé la chronique début janvier,il risque de devenir un personnage récurrent des parodies sur internet.

Hollande a déjà été vu accompagné par les personnages d'un célèbre tableau comme bien de ces prédécesseurs dont l'image a été détourné à l'infini.



La nouveauté, cette fois-ci, a été l'apparition de la compagne du chef de l’État que bien des suiveurs de la vie politique jugent, à tort ou à raison, trop présente...



Sur le web, l'heure est à l'humour potache...Et le cliché par ses imperfections, a suscité les railleries.
Depardon a facilement été comparé à Depardieu, une star mais qui ne se donne pas à 100 %. Et pourtant Dieu sait si l'artiste a de bouteille. 


Enfin, on ne peut pas lui jeter la pierre. Tout autre photo officielle aurait été tournée en dérision. Dès la semaine dernière, les chasseurs de buzz avaient noté des détournements des clichés précédents.



Nicolas Sarkozy en avait fait l'expérience. François Hollande l'apprend à ses dépends. La caricature est une tradition vivace en France. Y compris sur internet.
 A croire que la  parodie est devenu un exercice obligé. Et un excellent moyen d'imposer une photo comme classique. Bref, la rançon de la gloire.




1 commentaire:

  1. Au delà des considérations esthétiques sur le format 6 X 6 et de la façade du Château cramée, ce qui est inexcusable c'est la légèreté du staff présidentiel chargé de veiller à la mise en scène du portrait officiel. Les deux drapeaux sont les seuls éléments que Depardon aurait officiellement retouchés sur ordinateur. Or si l'on regarde attentivement, comme a pu le faire le député Jean-Paul Garraud, les deux drapeaux sont présentés de manière verticale. L'étendard européen est présenté perpendiculaire au sol. Ce qui est pour le moins étrange et inhabituel. Mais bon, si l'on suit cette logique jusqu'au bout, c'est à dire si les deux drapeaux sont renversés, le drapeau tricolore à coté n'est plus français mais hollandais. Avec le rouge en haut en le bleu en bas... Pour le député, c'est « un signe d'amateurisme, d'insouciance et de légèreté ».

    Autre problème : selon les services du protocole, le drapeau français doit toujours être au plus près du président. Or ici, il est séparé de François Hollande par le drapeau européen.

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