"Loin des Clichés". La campagne et la politique autrement.
L'association "Parole de photographes" a demandé à six grands professionnels de revenir sur les clichés qu'ils ont pris lors de la campagne présidentielle. Une excellente initiative pour découvrir comment ces reporters ont pu travailler sur le terrain et un prisme original pour décrypter l'évolution des différents prétendants à l'Elysée.
Jean-Luc Luyssen, Olivier Coret, Guillaume Binet, Cyril Bitton, Olivier Laban Mattei, Jean-Claude Coutausse, photographes à l'AFP ou au Monde, ont suivi chacun un candidat pendant six mois, parfois un an. Un travail de longue haleine, en coulisse, qui leur a permis de se fondre dans le paysage et de saisir les grands et petits moments de cette course folle.
Des instants qui témoignent de l'évolution des impétrants, de leur rapport à l'image et de la dynamique qu'ils ont su faire naître.
Jean-Luc Luyssen a ainsi vu François Hollande se transformer, gagner en épaisseur et prendre confiance.
Etape par étape, ses clichés montrent cette montée en puissance, cette métamorphose. Le reporter la vu changer de costume, de lunettes.
Seul, il y a un an, quand le candidat socialiste rodait ses discours en province, dans des salles des fêtes ou serrait des poignées de main à la foire au boudin de Tulle, il a été rejoint peu à peu par des dizaines de confrères à la rentrée à partir de l'Université d'été du PS à La Rochelle, les premiers débats de la primaire, puis été englouti dans la meute des cameramen et des ingénieurs du son. Au début, «il était encore possible de prendre l’ascenseur avec lui», ensuite une certaine distance due aux cordons de sécurité et au zèle des attachés de presse est apparue. Cela se retrouve dans les images. Les rendez-vous sont moins spontannés, les déplacements se font en fonction de thèmes imposés : l'agriculture, la recherche, l'industrie, le sport...
En l'espace de trois mois, le travail photographique qui touchait à l'intimité et se focalisait sur la proximité du candidat avec les préoccupations de habitants a cédé la place au barnum en tournée, grand spectacle.
Seul, il y a un an, quand le candidat socialiste rodait ses discours en province, dans des salles des fêtes ou serrait des poignées de main à la foire au boudin de Tulle, il a été rejoint peu à peu par des dizaines de confrères à la rentrée à partir de l'Université d'été du PS à La Rochelle, les premiers débats de la primaire, puis été englouti dans la meute des cameramen et des ingénieurs du son. Au début, «il était encore possible de prendre l’ascenseur avec lui», ensuite une certaine distance due aux cordons de sécurité et au zèle des attachés de presse est apparue. Cela se retrouve dans les images. Les rendez-vous sont moins spontannés, les déplacements se font en fonction de thèmes imposés : l'agriculture, la recherche, l'industrie, le sport...
En l'espace de trois mois, le travail photographique qui touchait à l'intimité et se focalisait sur la proximité du candidat avec les préoccupations de habitants a cédé la place au barnum en tournée, grand spectacle.
Tout est devenu formaté autour de François Hollande : le décor des salles de meeting, les pupitres avec le slogan officiel, le drapeau derrière lui... Seule manière de trouver des clichés nouveaux : aller chercher les gros plans sur les mains ou les pieds.
Olivier Laban-Mattei, lui, a suivi Nicolas Sarkozy. Il avait fait partie de ceux qui avait assisté à sa victoire en 2007, il a remis le couvert cinq ans plus tard. Quatre mois. Un travail de longue haleine. Et là, le constat est sans appel. Le président sortant a cadenassé sa communication. Son équipe contrôle tout. Comme si une méfiance s'était installée. Le naturel parfois perceptible en 2007 a disparu.
Le candidat a fait le ménage, n'hésitant pas à décider d'une mise en scène, à placer lui -même un reporter ou un JRI. Il a mis de la distance avec les photographes, parqués à un endroit bien précis, tous dans la même travée. Il semble lointain, comme coupé du monde. Des réalités. Derrière la barrière de ses gardes du corps et de ses conseillers.
L'accès à des moments privés est excessivement restreint par rapport aux autres candidats. Lors d'un débat organisé par "Le Monde", les candidats devaient se laisser photographier en coulisses. Ils ont tous laissé travailler Olivier Laban-Mattei, sauf Nicolas Sarkozy. "Avec Hollande ou d'autres candidats, la poignée de main est de rigueur et le bonjour aussi. Ca n'arrive pas ou très exceptionnellement avec le candidat Sarkozy", confie-t-il.
Du coup, les photo les plus originales sont celles où l'on voit ses partisans devant son poster géant après un meeting ou des jeunes militants qui jouent avec son effigie. Une foule qui vénère une image. Mais qui communie moins avec son idole.
Difficile d'être original. Plutôt que de faire la même image que ses confrères, une de ses astuces du photographe est de «suggérer la présence du candidat» sans qu'il ne soit là. "Il faut aussi savoir rester après le départ de ses collègues", raconte le photographe, faire «le pas de côté» qui changera tout dans le cadrage et s’amuser si possible des jeux optiques pour tenter de briser la mise en scène bien huilée du candidat UMP.
Difficile d'être original. Plutôt que de faire la même image que ses confrères, une de ses astuces du photographe est de «suggérer la présence du candidat» sans qu'il ne soit là. "Il faut aussi savoir rester après le départ de ses collègues", raconte le photographe, faire «le pas de côté» qui changera tout dans le cadrage et s’amuser si possible des jeux optiques pour tenter de briser la mise en scène bien huilée du candidat UMP.
Les photographes de presse qui travaillent sur la longueur en suivant un parti, un candidat peuvent rendre compte à leur manière d'une dynamique. Et à ce niveau, en plus des deux favoris, 2012 a été riche avec l'apparition de figures fortes comme Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen. Deux candidats qui sous-évalués à l'automne ont su attirer les foules au printemps et recueillir plus de suffrages que ceux qui leur étaient promis à la rentrée.
L'histoire d'Olivier Coret est significative. Il aait choisi Jean-Luc Mélenchon pour suivre un "petit candidat". Au lieu de ça, il a assisté à la transformation du leader du Front de gauche et à sa montée dans les sondages : de 5 à 15 % en 4 mois. Un succès qui s'est traduit, là aussi, par une mise à distance et un fossé qui se creuse entre le candidat et le photographe. Le côté amateur des premiers jours a laissé la place à une gestion plus professionnelle, plus directive.
Dans les premiers mois, il y n'avait que deux ou trois photographes pour rendre compte des déplacements de l'ancien socialiste. "On jouissait d'une liberté totale avec le candidat. On n'était pas du tout limité par les gens de la com. Avant qu'il soit très reconnu, il faisait des meetings pour 20 ou 30 personnes, parfois pendant deux heures, parfois dans une ferme." A la fin, les photos ont fini par ressembler à celles de Sarkozy ou Hollande. Et les clichés de drapeaux, de militants ou de foule ont remplacé les portraits intimes. Le grandiloquent à remplacé l'intime, l'émotion.
Dans les premiers mois, il y n'avait que deux ou trois photographes pour rendre compte des déplacements de l'ancien socialiste. "On jouissait d'une liberté totale avec le candidat. On n'était pas du tout limité par les gens de la com. Avant qu'il soit très reconnu, il faisait des meetings pour 20 ou 30 personnes, parfois pendant deux heures, parfois dans une ferme." A la fin, les photos ont fini par ressembler à celles de Sarkozy ou Hollande. Et les clichés de drapeaux, de militants ou de foule ont remplacé les portraits intimes. Le grandiloquent à remplacé l'intime, l'émotion.
Ces regards de photographes se veulent avant tout des regards humains. Sensibles. Cyril Bitton est représentatif de cette approche sans à-priori. Il s'est contenté d'être aux aguets. Quand certains photographes font dans le cliché et cherchent, par parti pris, à peindre Marine le Pen et le FN sous un jour menaçant, il s'est contenté d'observer. Pour ne pas travestir la réalité. Mieux pour ne pas passer à côté d'une candidature et de discours qui rencontrait une forte adhésion dans la population.
Il est à noter que la campagne 2012 a été moins tendue que les précédentes. Surprise, là on les autres candidats ont petit à petit mis de la distance avec la presse, au Front national les relations se sont "normalisées"vis à vis des journalistes. Moins de défiance affichée. Les fondamentaux ont peu changé mais la façade a été considérablement rénovée.
Le reporter qui suit l'extrême droite depuis 11 ans a noté un changement d'ambiance par rapport aux campagnes précédentes.
"Les journalistes qui la suivent depuis longtemps la regardent en souriant, un peu un regard tendre. confie l'ancien collaborateur de VSD. Elle signe des autographes à la fin des meetings, on l'appelle "Marine" alors que pour son père c'était souvent "Le Président"."
Le FN veut présenter un visage plus fréquentable. La fille de l'ancien para à l'oeil de verre apparait maquillée, coiffée de près face aux objectifs, elle prend soin de son image. Et essaye d'apparaitre le plus possible séduisante, à la différence de son père qui faisait moins attention à son apparence. Quitte à demander à des membres de son équipe de tenir un réflecteur derrière elle lors d'une interview. Un détail. Ce souci de la lumière reflète la volonté d'être dans la lumière, dans les médias. Et d'apparaitre comme une candidate ordinaire.
Elle joue de sa féminité. Elle sourit malgré les coups.
Si Jean-Luc Mélenchon, pourtant charismatique met en avant le Front de Gauche plus que son physique, son programme plutôt que son caractère, la leader frontière cherche, elle, à obtenir des voix grâce à sa chevelure blonde, ses yeux bleus, son sourire. Dans la droite ligne des formations extrémistes qui ont une tendance à installer un culte du sauveur ou de la personnalité. Et ce n'est pas un hasard, si les candidats d'extrême droite aux prochaines législatives se présenteront sous l'étiquette "Bleu Marine". A ce titre, la présidentielle 2012 aura marqué un tournant par rapport aux années Megret/ Le Pen.
Les photographes de presse sont souvent timides et se cachent derrière leur boîtier, derrière leur travail. A tort : avec leurs regards particuliers, ces journalistes observent les évolutions de la société, les mouvements de fond de notre pays. Ils sont là où cela se passe. Ils ont beau rechercher la subjectivité, ensemble ils donnent à voir un tableau objectif de la vie politique. Au milieu de la foule, en ville, à la campagne, ils arrivent à faire remonter les aspirations du peuple et coucher sur papier l'énergie qui ressort de ceux qui aspirent à les guider. Et ce n'est pas pour rien qu'on parlait autrefois de révélateurs...
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