vendredi 23 décembre 2011

"Endless winter", un hiver sans fin. 12 mois à rider quelques uns des meilleurs spots du monde







          Le mois de décembre est souvent le moment de revenir sur les moments qui nous ont le plus marqué au cours des 12 derniers mois. Une fois n'est pas coutume, je vous propose le journal  de bord d'un amateur de poudreuse dont la publication d'abord prévue en Septembre dans une luxueuse publication a été repoussée en mars 2012. Un hommage à tous ceux que j'ai croisé en 2011 l'espace d'une descente, d'une journée ou d'une semaine. Un bref résumé des meilleurs runs que j'ai pu effectuer, un clin d'oeil  à tous les amoureux de la glisse. "This is my winter", pour reprendre l'expression de Xavier Delerue. Retour sur un hiver sans fin qui m’aura mené un peu partout en Europe, en Russie et en Amérique du Sud. Ego trip.





         7 août 2011. Du haut du sommet du couloir Eduardo, je peux contempler la station de Las Lenas et une partie de la Cordillère des Andes. Entre mes spatules, j‘aperçois, 860 mètres plus bas, la zone d’arrivée de l'étape argentine du Freeskiing World Tour, l’une des deux plus importantes compétitions freeride de la planète. J’ai la chance unique de pouvoir descendre  juste avant les meilleurs skieurs du monde dans le couloir qu'il emprunteront quelques heures plus tard. Une belle face raide parsemée de barres rocheuses.



      J’ajuste mon casque, je prends ma respiration. Et c’est parti. La paroi est vertigineuse. A peine quatre virages bouclés, et tout de suite, un gros saut. J’assure. J’atterris non loin d’un rocher... «La philosophie de notre contest est simple, m’avait dit Manuel Uranga, l’organisateur du Powder Disorder : on choisit la pente la plus radicale, et on cherche à aller le plus vite possible et à envoyer de gros sauts.» Les deux cents mètres suivants ressemblent à un jeu vidéo. Je joue avec le relief, essayant de trouver de petites combes entre les barres rocheuses. A fond dans des passages avoisinant les 45 degrés. Jim Jack, le chef des juges, m’avait confié avant de partir avec son accent américain : «Le terrain est super challenging. Mais il y a plein de variations possibles."




        C’est ce qui fait la beauté du concours. Chacun devra faire preuve d’imagination pour dénicher la plus belle ligne. Le plus dur sera de tenir la longueur.» Il ne croyait pas si bien dire. Au bout de 500 mètres de dénivelé, les muscles de mes cuisses commencent à se tétaniser. La neige poudreuse au départ devient plus lourde, plus humide. Mon souffle se fait court, mes virages aussi. Je serre les dents. Je m’adapte et je place un dernier saut groupé sans fioriture, manquant de déchausser à l’arrivée tant la neige colle. Les jambes me brûlent comme jamais. Mais j’ai le sourire. Quel couloir !

Guerlain Chicherit, vainqueur du Powder Disorder, après quatre ans sans compétition.
     Un peu plus tard, Guerlain Chicherit, le quadruple champion du monde français, mettra 15 secondes de moins, signant un run d’anthologie avec deux sauts périlleux et un gros jump au dessus d'une barre rocheuse de plus de 10 mètres, que j’avais, pour ma part, prudemment contournée. Qu’importe : quelle aventure ! En tant qu’amateur, je n’aurais jamais imaginé vivre pareil moment ! C’est le point d’orgue d’une saison de huit mois passée à chercher les meilleurs spots de la planète.

Julien Lopez, motivé par ses copains Guerlain Chicherit et Richard Permin se donne à fond.
Julien Lopez, le top niveau mondial.

8 décembre 2010, Pari à Paris






















        Boulevard Saint-Germain, 19 h 30. Je file à fond en roller dans les rues de Paris. Objectif : rentrer le plus vite possible du bureau et enfiler mes affaires de ski. Il a neigé une partie de la journée et la route est blanche, immaculée. Cela fait des mois que je rêve ce moment. J’ai passé toute la journée dans mon bureau de l’Assemblée, le nez collé à la fenêtre à regarder les flocons tomber. Je n’en peux plus d’attendre. La neige est enfin là. En deux temps, trois mouvements, je sors mes planches de la housse. J’attrape vite fait, bien fait mon Arva, mon sac Airbag et ma pelle ( on ne sait jamais) et je m’engouffre dans le métro, mes bâtons dans une main, mes skis dans l'autre. Direction la montagne. La montagne Saint Geneviève s’entend. Dans la rame, les passagers me regardent en souriant. Bizarre. Un voyageur me demande si j'ai emporté mes skis de poudreuse. Ils me chambrent mais pas de quoi m’arrêter. Arrivé au Panthéon, je descends la rue Soufflot au milieu des voitures.

Qu'importe les flocons pourvu qu'on ait l'ivresse.
La rue Soufflot, un beau soir de décembre.

       
      Certains automobilistes me saluent en actionnant leurs phares. D’autres klaxonnent. Du coup, les étudiantes en cours du soir à la Sorbonne ouvrent leurs fenêtres et se mettent à m’encourager. Je glisse, grisé par l’atmosphère, la rumeur assourdie de la ville et les lumières de la ville. Je continue sur les rues plus pentues du Quartier latin, zigzagant entre la chaussée et le trottoir. Quel spot ! Pendant trois heures, je parcours ce terrain de jeu atypique. Avec en toile de fond, quelques uns des plus beaux monuments de la capitale : la tour Montparnasse et Notre-Dame, baignées d’un halo orangé. Je finis par slider sur la rampe du jardin du Collège de France.

Jean-Marc Paillous slidant les rampes du Collège de France.


        Des touristes japonais veulent absolument se faire prendre en photo en ma compagnie. Je me fais même arrêter par des Pyrénéens qui me demandent où est la remontée la plus proche. En rigolant, je leur indique le bus qui remonte le boulevard Saint Michel en leur conseillant de se presser car à minuit la station va bientôt fermer. Difficile de faire moins cher comme forfait qu’un billet de métro. Une superbe soirée de ride conclue à Odéon au zinc du plus beau des restaurants d’altitude : l’Avant-Comptoir d’Yves Camdeborde. Avec un bugey frais pour fêter le début d’une saison qui a rarement commencé aussi tôt.

Les touristes devant la mairie du Vème arrondissement.

Une journée de ski à placer au Panthéon des runs les plus insolites pour Jean-Marc Paillous.

La Grave, 26 mars 2011 « The perfect day »

La vie au bout des doigts...
Une petite piqure de rappel...

La sortie est au fond du couloir...
     Je me balance au bout d'une corde les skis accrochés sur le sac à dos. Je rebondis sur le rocher. 35 mètres plus bas, à la fin du rappel, Bertrand Granier m’attend pour dévaler un des plus beaux itinéraires des Alpes : le couloir de la Voûte. 2150 mètres de dénivelé dans un paysage somptueux au milieu des séracs. Avec juste quelques chamois comme spectateurs.




 La Grave : 2100 mètres de dénivelé, un domaine unique au monde par son panorama et son ambiance sauvage.. 
        Après un mois de janvier passé entre la Suisse, l’Italie pour dénicher tant bien que mal un peu de poudreuse, des journées à Chamonix et à La Clusaz à tenter de trouver quelques bonnes lignes, je ne suis pas loin du nirvana. 40 cm de fraîche et devant moi sans doute le plus merveilleux terrain de jeu qui soit. "La Grave est un des meilleurs spots d’Europe, m'avoue Nicolas Baranger, un skieur expérimenté aux grosses jambes et au grand cœur. Le gros plus ici, c'est de pouvoir faire du ski engagé sur de longues distances, des descentes de 1500 mètres ou 2000 mètres dignes des meilleurs runs héliskis d' Alaska. Et de pouvoir grâce au téléphérique, les enchaîner pour le prix d'un forfait."

Les antiques oeufs de La Meije aux pieds des sommets du domaine de La Meije.  Résistants à tout : au vent et au temps. 
     Méconnu en France, ce petit village qui compte à peine plus de 500 habitants au nord des Hautes-Alpes est un des spots les plus courus du monde. Dans les cabines, où tout le monde se parle et partage ses infos sur l'état de la neige, on s’exprime plus en anglais qu'en français. En une saison, La Grave accueille autant de skieurs que les Deux Alpes situées juste à coté en une journée. Avec ses vieux œufs et son téléski d'un autre temps, sa vie nocturne quasi inexistante, son exposition à l'ombre une partie de la saison, il n' y a priori pas de quoi s'enthousiasmer et le grand public n'en a jamais entendu parler. Et pourtant le hameau a été classé parmi les meilleurs "resorts" de la planète.

Les  cabines de La Grave avec les Pans du Rideau et le Y. 

         "Quand on est en dessous du sommet de la Meije, avec le Râteau et le Doigt de Dieu, il y a une ambiance haute montagne, des panoramas qui n'ont rien à envier à la vallée de Chamonix. Le monde en moins." reconnaît Jochen Zwick, un skieur allemand séduit par l'atmosphère.

Didi Haase dans un passage raide et pour le moins étroit. 

       L' antique remontée qui monte jusqu'à 3500 m d'altitude dessert en effet un domaine incroyable. Pas balisé, pas damé, pas sécurisé à part deux itinéraires classiques mais qui offre des possibilités énormes pour les mordus. C'est "into the wild" : couloirs à 45%, descentes spectaculaires sous les séracs, rappels, champs de poudreuse vierge, barres rocheuses intéressantes pour sauter. Pour peu qu'on connaisse ou qu'on fasse appel à un guide, c'est le meilleur ski que l'on puisse trouver en France, le plus varié. Dans la même descente, je passe de grandes courbes sur le glacier à un tout droit au milieu d'un couloir étroit pour finir avec un superbe passage en forêt.

Jean-Marc Paillous, à pleine vitesse...
     "A La Grave, on se sent loin de tout. Dès qu'on s'éloigne des deux itinéraires principaux, on se retrouve vite tout seul, sans télésiège ou téléski pour barrer la vue, sans personne ni bruit pour venir troubler la quiétude de la montagne. L'attrait, c'est d'entendre le bruit de tes skis sur la neige, le bruit du vent, d'être en phase avec la nature. Des sensations qu'on ne retrouve plus ailleurs." dit avec passion Didi Haase, une figure incontournable de la Meije qui fait découvrir le massif depuis 20 ans. Personne ici n'a rien à prouver. Tout le monde se salue, se respecte. Le soir, les ruelles sont embaumées par les feux de cheminées et à l'auberge Edelweiss, les conversations s'éternisent autour de génépis. Je suis bien. On ressent le côté authentique d'un village qui a su se protéger et garder son âme. Pas difficile de comprendre pourquoi tant de passionnés venus des quatre coins de la planète y passer quelques jours finissent par rester un mois, une saison, parfois une vie dans cet endroit magique.

Jean-Marc Paillous agressif.

Didi Haase, une personnalité radieuse, au dessus de Triffides. Et au dessus du lot. 



24 avril 2011 Ride caviar en Sibérie



Petropavlosk, une des deux seules villes au monde qu'on ne peut pas rejoindre par la route...



La Sibérie, un des plus beaux spots au monde par ses étendues et ses multiples  sommets inviolés...


Marc Gaiani, un des pionniers de l'héliski au Kamchatka.
Des paysages exceptionnels, des montagnes à perte de vue...

       Par le hublot de l’avion, dans la lumière du soleil levant, j’entr’aperçois des centaines de sommets et de volcans enneigés. A perte de vue. Le paradis. Le passager assis à coté de moi dans le vol qui me mène à Pétropavlosk est aussi enthousiaste que moi. « En Sibérie, vous allez voir, on n’y cherche pas à faire les premières traces de la journée. La plupart du temps, on fait les premières traces de l’histoire. Autant il y a quelques années, on citait l’Alaska comme référence, depuis 1993 et l’ouverture du Kamchatka aux étrangers, cette presqu'île qui abritait autrefois les bases de sous-marins nucléaires soviétiques au nord du Japon est devenue la plus belle destination en terme de freeride.» Le choc. Alors qu’à Paris, en cette fin avril, les filles étaient en minijupes, aux abords de mon lodge, il y a des murs de trois mètres de neige de part et d’autre de la route. Devant l’hôtel Antarius, pas de remontées, presque pas de voitures, juste un imposant hélicoptère MI 8 orange d'Héliski Russia.

Des MI 8 robustes entièrement mécaniques spécialement aménagés pour transporter les skieurs.
Le Kamchatka, une chaîne qui comprend plusieurs dizaines de volcans en activité.
Jean-Marc Paillous, en plein rêve au Kamchatka.


Olivier et Arthur Waisblat, admirez le mimétisme...
Maxime Anufrikov, le rider de Krasnaya Poliana, profite d'une corniche pour se faire plaisir.

Olivier Waisblat seul au monde...


      Calé confortablement sur une banquette de l’appareil, je prends conscience de la démesure de ce territoire vierge, sauvage, quasiment sans habitation ni route, où l’on rencontre plus de renards et d’ours que d’habitants. Arrivé au sommet d'un des plus beaux volcans de Sibérie, le Koryalaski, je découvre tout autour de moi des pentes rectilignes, larges, idéales pour envoyer du gros. Maxim, notre guide russe, m’invite à me faire plaisir. «Tu peux tracer où tu veux, en grandes courbes. Tu peux déchirer la montagne. Personne ne reviendra après nous. L’hélicoptère est au fond de la vallée. On se retrouve en bas. » Pas besoin de me le dire deux fois, je m'élance pour un run de folie. La neige scintille. J’ai l’impression de glisser au milieu d’un parterre d’étoiles étincelantes. Je glisse comme dans un rêve. Au bout d'un quart d'heure, je me dis que la descente va bientôt finir, et elle continue, encore et encore. Sans fin. A peine arrivé, on remonte. Une fois, deux fois, trois fois, sept fois, pour des descentes comprises entre 1000 et 2000 mètres de dénivelé.

Difficile de ne pas sourire dans de telles conditions.
De la poudreuse par dessus les casques... Un spectacle incroyable. On en prend plein les yeux..
Thierry Schoen au milieu d'une neige qui brille de mille feux. 
Thierry Schoen avec son style classique.


De la poudre aux yeux...
Plus douce sera la chute... Moins évident en revanche de se redresser. 
Max Wiki au paradis...
Jean-Marc Paillous à Mach 2 dans la poudreuse. Avec de la poudreuse par dessus la tête.
Marie-Caroline Lagache avec de la poudreuse jusqu'au cou.


Un régal pour Olivi er Waisblat. 


Marion Stephan avec de la neige jusqu'au ventre.
     Le lendemain matin, on part dans une autre direction. « Au Kamchatka, le domaine est presqu’aussi grand qu’en France avec des sommets qui dépassent parfois les 3000 mètres d’altitude et un point culminant à 4835 mètres, confie Marco Gaiani, un guide français tombé sous le charme russe. On ne fait pas que skier, on voyage. On découvre tous les jours une nouvelle partie de la péninsule, un nouvel univers. Un jour, on passe au milieu des volcans actifs, le lendemain, on ride au milieu d’un énorme glacier, et le surlendemain, on glisse tranquille jusqu’à l’océan.»



Thierry Shoen avec l'Océan en fond. 
Vincent Shoen appréciant le climat sibérien... Doux et ensoleillé.
Pierre Huchot avec un panorama extraordinaire...
Max Wiki, ridant les pentes du Kamchatka.

Stéphane Hamel, finissant un run inoubliable devant le Pacifique.
Jean-Marc Paillous, sur une plage de la côte Ouest du Pacifique... les skis à la main. 
    Neige de cinéma, paysages de cartes postales. Incroyable sensation de rider au milieu des fumerolles. Entre le souffre, la chaleur et les palpitations des cratères, j’ai l’impression de sentir vibrer le pouls de la terre. Le Kamchatka possède plus de 30 volcans en activité et en parcourant leurs versants réguliers, on en prend plein les yeux, plein le nez, on a la chair de poule. Fabuleux mais rien en comparaison des runs face à l’Océan Pacifique. En regardant les autres skier, difficile de distinguer entre l’indigo du ciel et celui de la mer de Béring. Et quoi de mieux pour boucler un run de 1500 mètres que de terminer sur la plage et piquer une tête au milieu des otaries? 2° , 3° maximum, un peu froid mais quel délice de contempler ces criques blanches et de courir en maillot dans la poudreuse.









      C’est sans aucun doute une des meilleures semaines de ski de ma vie, avec de très grosses chutes de neige. Un mètre de poudreuse pendant plusieurs jours : une «gavade» avec de la peuf jusqu’au nombril. A chaque virage, j’en prends plein la bouche, les yeux. Même sans tomber, les bonnets, les casques sont blancs. Masque et tuba obligatoires. Démentiel. "Il n' y a qu'un mot pour parler d'une neige aussi abondante et légère, c'est jouissif !" affirme avec sa faconde Stéphane Hamel, joyeux skieur provençal. De quoi donner de grands sourires et alimenter les longues discussions d’après-ski autour d'un verre de vodka dans les sources d’eau chaude.

Pierre Huchot et Marc plaisantant devant les fumerolles et les cratères du Kamchatka. 


Olivier Waisblat longeant le volcan actif,  non loin des fumerolles. 
Cela sent le souffre...



Les glaciers sont aussi spectaculaires et piégeux que ceux que l'on voit en Europe . 

Maxime, tout sourire. 5 jours à voler sur 7, le beau temps a été de la partie.
Des descentes qui peuvent faire 2000 mètres de dénivelé sans jamais croiser personne. A part des ours.

Marc Gaiani le regard tourné vers le Pacifique.
Au fin fond de la Sibérie, des bains d'eau chaude ouverts à tous, le lieu pour se relaxer en plein air. 
Une eau à 35 voir 40 degrés à certains endroits.. Heureusement qu'il y a de quoi se rafraîchir.



1er Août, Fun in the sun en Argentine





      



Aurélien Osnowycz dans la tempête...
Plaisirs argentins...

    Les cactus et les palmiers sont couverts de neige dans la petite hacienda où mon mini-bus s’est arrêté. Le chauffeur s’est rendu compte à San Raphaël que son pneu était crevé et il va de ferme en ferme sur une route pour voir si quelqu’un peut l’aider à réparer. Il fait -5°. Bienvenue en Argentine. Dire que le week-end précédent, je faisais du beach-volley en maillot de bain, sur la côte atlantique.

Brice Bonnaigue contemplant la Cordillère des Andes.



La Cordillère des Anges.


A fond, on n'est pas là pour acheter du terrain...
Arnaud Stoïchev rentrant à fond dans le couloir Edouardo.

      La navette mettra cinq heures pour arriver à Las Lenas, la station la plus réputée d’Amérique latine. Cinq heures à traverser la pampa sur une route complètement verglacée. Un long plateau sans relief avec en arrière plan la Cordillère des Andes. Dans le car, des Argentins aisés venus apprendre à skier et des Européens surmotivés, attirés par le potentiel immense des sommets du coin. Pour Julien Lopez, champion du monde de freeride 2009 rencontré sur place, «c’est génial d’avoir le luxe de pouvoir faire deux saisons de ski, d’avoir deux hivers dans la même année… Quand on vit pour la neige, c’est quelque chose de magique.»

Guerlain Chicherit décontracté mais sûr... 

Patrice Chauvin à pleine vitesse.


           Le lendemain, après 45 minutes de marche, je suis au sommet du Cerro Martin, une des plus belles faces du pays. Du sommet, on a l’impression d’un petit cirque naturel. Avec juste cinq aiguilles collées les unes contre les autres surplombant un pipe naturel. La neige est parfaite, le ciel dégagé. Une énorme corniche à sauter puis 1000 mètres à tracer en grandes courbes à Mach 2 sous les arrêtes acérées. Six virages jouissifs ponctués de gerbes superbes. Arrivés au pied de la paroi, c'est «give me five» par ici, cris de joie et embrassades par là. Un avant-goût de ce qui m’attendra pendant quinze jours. «Cela fait dix ans que je viens, et je suis loin d’avoir tout exploré, me dit Patrice Chauvin, qui me guide sur le spot. Il y a des couloirs très faciles d’accès, mais si on se force à marcher un peu, une heure, deux ou trois heures, il y a des vallées entières entièrement gavées de poudreuse. Le potentiel est inimaginable.»

Raide, vous avez dit raide ?





































Vous aurez été prévenu....


       Pendant deux semaines, mon séjour sera émaillé de rencontres, de rigolades et de surprises. Avec des Argentins ou des Brésiliens mais aussi une poignée de Suisses, de Belges, de Canadiens souvent gros skieurs qui profitent des saisons inversées dans l’hémisphère sud pour assouvir leur soif de glisse. Les jours de poudre, à l’ouverture, sur les premiers sièges, les riders parlent plus Français qu’espagnol. On se croirait aux Grands-Montets à Chamonix. A une différence près, les remontées qui sont pour le moins archaïques. Et qui marchent quand les employés sont réveillés. Et lorsque les employés ne sont pas réquisitionnés ou occupés à autre chose comme pour aller voter les jours d’élections.

Arnaud Stoïchev en toute décontraction.

Le Cerro Martin et ses combes attirantes.





           Mieux vaut rester zen. En Argentine, en termes de population, d’architecture, de train de vie, on se croirait plus on moins en Europe. Mais au niveau organisation, c’est parfois surréaliste. Les concours de big air sont prévus par jour blanc, des compétitions sont organisées loin de la vue du public et sans embarquer de photographes, les compagnies de snowcats ne rappellent jamais, les téléskis en panne pendant un mois sont réparés juste le jour de l’arrivée des patrons.
         «C ’est assez dépaysant, résume Fabien Nadal, qui organise des voyages en Amérique latine. Ici, il y a des gendarmes en haut des principaux hors-pistes qui prennent votre nom avant de vous laisser descendre, d’autres qui sifflent ou vous pourchassent avec leurs radios dès que vous allez un peu trop vite sur les pistes. Pour sûr, c’est plutôt folklorique. Mais c’est aussi ce que l’on vient chercher. » Et pour peu qu’on prenne les choses avant le sourire, c’est fou rire garanti. Entre les top modèles qui posent dans la neige et les pisteurs qui cherchent absolument à vous acheter vos skis et vos chaussures même si elles ne sont pas à la bonne taille, je vais d’étonnement en étonnement. Une autre façon de vivre la montagne, le ski. Pour le moins rafraîchissante.



























         17 Août. Ma saison est finie. Je range mes Rossignol dans leur housse. Jusqu’en novembre. Enfin. Presque. Un coup de fil de Nouvelle-Zélande ou d’Australie est si vite arrivé. Car une chose est sûre : quel que soit le mois de l’année, il y a toujours un endroit sur la planète où il neige. Et où l'on peut rider.





    Photos : Jean-Marc Paillous, Olivier Waisblat, Max Wiki, Tristan Shu, Keith Carlsen, Frédérique Flori

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